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© Éditions Seli Arslan, 2012 Le soignant, les soins et …

Extrait de Les soignants. L criture, la recherche, la formation, ditions Seli Arslan, 2012 Le soignant, les soins et le soin Walter Hesbeen Avoir recours au vocable soignant semble parfois relever de l vidence, un peu comme s il tait bien entendu que chacun comprenne ce qu il signifie, les pratiques qu il recouvre et les pro-fessionnels qu il regroupe. Et pourtant, sa compr hension reste approximative, tiraill e entre un statut professionnel pour les uns, une situation, voire une attitude ou une intention pour les autres. ce titre, le terme soignant n cessite d tre clarifi par ceux qui y ont recours pour viter qu il ne soit source de nombreux malen-tendus . Pour illustrer ceci, je me souviens avec force, il y a quelques ann es peine, d une discussion avec un professeur au sein d un CHU qui m interpellait : Qu est-ce que c est cette mani re de vouloir nous appeler des soignants, on a fait m decine tout de m me !

Le soignant, les soins et le soin 3 sonne à qui se destinent ces mêmes soins. J’ajoute que la confusion entre les termes ou le flou qui est parfois entretenu sont domma-

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  Sion, Lesson i

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1 Extrait de Les soignants. L criture, la recherche, la formation, ditions Seli Arslan, 2012 Le soignant, les soins et le soin Walter Hesbeen Avoir recours au vocable soignant semble parfois relever de l vidence, un peu comme s il tait bien entendu que chacun comprenne ce qu il signifie, les pratiques qu il recouvre et les pro-fessionnels qu il regroupe. Et pourtant, sa compr hension reste approximative, tiraill e entre un statut professionnel pour les uns, une situation, voire une attitude ou une intention pour les autres. ce titre, le terme soignant n cessite d tre clarifi par ceux qui y ont recours pour viter qu il ne soit source de nombreux malen-tendus . Pour illustrer ceci, je me souviens avec force, il y a quelques ann es peine, d une discussion avec un professeur au sein d un CHU qui m interpellait : Qu est-ce que c est cette mani re de vouloir nous appeler des soignants, on a fait m decine tout de m me !

2 S agirait-il d une incongruit ou d une appellation d gra-dante alors que nous pouvons observer que le langage tant profes-sionnel que courant d signe la pratique des m decins par l expres- sion soins m dicaux ? Dans le m me esprit, quoique dans un registre l g rement diff rent, lorsque j interviens en formation aupr s d quipes pluridisciplinaires, je suis r guli rement confront cette demande de pr cision parfois insistante et qui tient c ur en particulier aux ducateurs, aux travailleurs sociaux et aux psy-chologues qui s expriment au sein du groupe en d clarant : Nous, nous ne sommes pas des soignants, nous avons un rapport diff rent avec les patients et leurs familles car nous ne donnons pas de soins . R cemment, dans un centre de r ducation, les respon-sables ont ainsi souhait me mettre en garde lors de la pr paration de mon intervention en mentionnant que les ducateurs de l ta-blissement ressentent le recours au mot soin comme une pine 2 Walter Hesbeen irritative , et m ont, d s lors, invit utiliser soin et soignant avec prudence et Dans ce m me contexte et aupr s des m mes professionnels, j observe, non sans amusement, que si, de mon c t , j acquiesce au fait qu ils ne font pas des soins et exprime comprendre leur souhait de ne pas tre qualifi s de soignants vu l ambigu t du terme, de leur c t ils acceptent n anmoins sans r serve et avec conviction voire revendication lorsque je leur dis que.

3 Bien qu ils ne soient pas soignants, ils prennent soin des personnes aupr s desquelles ils agissent, avec lesquelles ils sont en relation. Je soup onne m me, si j en avais l ind licate audace, qu ils se montreraient contrari s voire irrit s si je devais m aventu-rer leur d clarer que, vu qu ils ne font pas de soins et ne sont donc pas des soignants, il ne leur appartient pas ou il ne leur est pas accessible de prendre Que dire, encore, de l appellation aide-soignant qui d signe un groupe professionnel cr en France il y a plus de cinquante ans pour combler le manque que cr ait d j la p nurie infirmi re et pour exercer un m tier qui s inscrit dans la subdivision du travail infirmier et s exerce sous la responsabilit directe des infirmi res et des infirmiers ?

4 Dans le m me contexte de p nurie, on assiste, aujourd hui, l arriv e d aides-kin sith rapeutes dont l appellation, quant elle, ne souffre d aucune ambigu t . Ces br ves illustrations n ont aucune intention pol mique ; elles permettent simplement de constater la polys mie actuelle d un terme en rapport avec la pratique des soins et l approximation qui peut en r sulter tant dans les crits professionnels que dans la re-pr sentation profane du plus grand nombre. Il s agit ainsi de souli-gner qu avoir recours au vocable soignant , en particulier dans un ouvrage o il est question du sens du soin, n est pas anodin et ne laisse pas l abri de quelques malentendus. C est pour tenter de lever ces malentendus et d en att nuer les effets que je d velopperai ci-apr s mon point de vue qui peut se r sumer en quelques mots : le soin n est pas confondre avec les soins et l excellence de la pratique des soins , pour n cessaire qu elle soit, n indique en rien la pertinence du soin port la per-Le soignant, les soins et le soin 3 sonne qui se destinent ces m mes soins .

5 J ajoute que la confusion entre les termes ou le flou qui est parfois entretenu sont domma-geables la compr hension par les soignants eux-m mes des qua-lit s humaines et des exigences intellectuelles et de subtilit que requiert le soin. En outre, cela appauvrit la r flexion sur les ambi-tions et les modalit s p dagogiques et m ne l organisation des structures dans des impasses car fond es, l une et l autre, sur un malentendu, une m connaissance ou une illusion : il ne suffit pas de bien faire des soins pour se r v ler un professionnel comp tent dans une situation de soins . Cela quivaut constater que l on peut soigner une personne sans en prendre soin, c est- -dire qu on peut administrer des actes de soins de qualit sans se soucier v ritable-ment et sinc rement de la personne qui ces soins sont prodigu s.

6 Or, les hommes et les femmes malades ainsi que leur entourage attendent, aujourd hui et bien plus qu hier, de la consid ration, de l estime pour les humains qu ils sont et la prise en compte de la situation singuli re et donc particuli re qui est la leur. En r fl chissant sur le soin que l on prend de la personne et en distinguant celui-ci de la pratique des soins que requiert cette m me personne, c est bien de l mergence de la place de l humain dans les pratiques soignantes et dans les structures de soins dont il est question, et une telle question ne saurait tre trait e dans le flou et la confusion. Le soin : avoir le souci de, se pr occuper La question du soin, du sens du soin suscite une abondante litt ra-ture. Certains auteurs ont m me recours de fa on r guli re au terme anglo-saxon care, sans doute pour essayer de dire quelque chose que la langue fran aise et le mot soin ne r ussiraient pas bien exprimer et bien d finir.

7 Mes yeux, il n est pas certain, dans ce cas-ci, que le recours des expressions issues d une autre langue contribue clarifier la compr hension des termes utilis s. Comment interpr ter ainsi l expression intensive care unit que l on traduit en fran ais par unit de soins intensifs ? R guli re-4 Walter Hesbeen ment, le care est mis en parall le voire en opposition avec le cure, apparemment pour mieux souligner que l un n est pas l autre, ce qui, n anmoins, conduit de mon point de vue renforcer l id e que l un serait n cessairement li l autre. Le soin concerne pourtant tout un chacun dans la vie de tous les jours et pas les seules acti-vit s li es aux soins de sant . titre d exemple, lorsque l on dit un parent ou un ami au moment de se quitter : Prends soin de toi ou take care si l on pr f re , on ne l exhorte pas, en r gle g n rale, faire ses soins mais bien faire attention lui, se montrer pr cautionneux de sa personne voire prudent afin qu il ne coure pas ou pas trop de risques qui lui seraient dommageables.

8 En son sens premier, le soin exprime le souci que l on a de quelqu un ou de quelque chose. La pr occupation que l on en a. Il t moigne de l importance qu on lui accorde. Pourquoi un tel souci, une telle pr occupation ? Pour permettre de vivre, d exister, de se d velopper, de se sentir bien, en s curit , de ne pas s ab mer et parfois d aller mieux. Le soin est n cessaire la vie, toute forme de vie humaine, animale, v g tale ainsi qu la vie symbolique que dans l intimit voire le secret de sa conscience l on souhaite donner tel ou tel objet. L o il y a du vivant, il faut que l on en prenne soin pour que ce vivant puisse vivre, galement, la fois de mani re plus subtile et exigeante en termes de relation, pour qu il puisse exister, et ce jusqu son dernier souffle.

9 En effet, si l on ne porte pas une attention particuli re la vie et l existence du vivant, si l on n en prend pas soin, il s ab me, il se d t riore voire se d truit, et puis se meurt. Le vivant est d pendant de ce qui lui permet de vivre et d exister et, ce titre, il est fragile malgr son apparente robustesse, son ventuelle corpulence, l al-lure qu il se donne parfois ou l assurance que lui conf re son statut. Le vivant est fragile car la vie ne tient qu un fil, un fil que par manque du n cessaire mais galement par manque d attention, de pr voyance ou encore par inadvertance voire malveillance, il est possible de rompre avec une redoutable facilit . Une vie fragile dont le fil est parfois encore davantage fragilis par certaines ca-ract ristiques personnelles, tel un handicap par exemple, et les souffrances parfois secr tes qu il peut g n rer, ou lorsque surgit la Le soignant, les soins et le soin 5 maladie, avec la d pendance momentan e ou durable qui peut en r sulter.

10 C est parce que la vie est fragile qu elle n cessite d tre veill e et parfois m me surveill e. Surveill e car elle n cessite, en bien des circonstances, d tre veill e davantage, en particulier lorsque la fragilit de la vie est fragilis e par les v nements de l existence, par les caract ristiques d une situation ou encore par les r percussions d une maladie, d une affection. Comme le souligne Jean-Yves Leloup se r f rant l Antiquit grecque, c est de Prendre soin de l tre1 dont il est question et un tel prendre soin se d cline dans tous les actes de la vie et dans tout ce qui permet au vivant de vivre, de ne pas dispara tre, par exemple s il venait manquer du n cessaire que sont, entre autres, boire et manger. C est ainsi, dans un registre qui semble bien loi-gn des soins de sant au sens contemporain du terme, que le chasseur qui ramenait le gibier pour le repas prenait soin de sa fa-mille, tout comme le cuisinier qui allait ensuite le pr parer.


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