Échelles d’évaluation de l’effet anticholinergique des ...

1 NPG Neurologie - Psychiatrie - G riatrie (2012) 12, 131 138 Disponible en ligne TH RAPEUTIQUE chelles d valuation de l effet anticholinergiquedes m dicamentsAssessment scales for the anticholinergic effects of drugsS. Mebarkia, C. Trivalleb, a24, rue La-Condamine, 75017 Paris, FrancebP le de g riatrie, h pital universitaire Paul-Brousse, AP HP, 12-14, avenuePaul-Vaillant-Couturier, 94800 Villejuif, FranceDisponible sur Internet le 30 avril 2012 MOTS CL SM dicamentsanticholinergiques ;Personnes g es ;Cognition ;Iatrog nieR sum De nombreux m dicaments ayant des propri t s anticholinergiques sont prescrits eng riatrie, exposant les personnes g es un risque accru d effets ind sirables tels que la confu-sion, la r tention urinaire ou les chutes. Si certains m dicaments potentiellement inappropri ssont bien connus des g riatres, d autres comme le furos mide ou la warfarine, fr quemmentprescrits, pr sentent des propri t s anticholinergiques non n gligeables et m connues.

2 Il existedans la litt rature trois chelles permettant d valuer la charge anticholinergique potentielledes m dicaments couramment utilis s. L objectif de cet article est de pr senter les diff -rentes chelles d valuation des m dicaments ayant un effet anticholinergique et d valuerleur int r t dans la pratique courante en g riatrie. 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits r serv ;Cognition;Elderly;IatrogenicSummary Many drugs possessing anticholinergic properties are often prescribed in geriatrics,which exposes elderly people to a risk of developing side effects such as delirium, urinaryretention or falls. Although some anticholinergic drugs are known to be potentially inappropriateby geriatricians, others like furosemide or warfarine, that are frequently prescribed, presentanticholinergic features. There are three different clinical scales in the literature to measurethe anticholinergic content of various frequently used drugs.

3 The purpose of this article is topresent the existing medication scales and to evaluate their interest in clinical practice. 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Auteur e-mail : (S. Mebarki), (C. Trivalle).1627-4830/$ see front matter 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits r serv S. Mebarki, C. TrivalleIntroductionDe nombreux m dicaments dot s de propri t s anticho-linergiques sont commun ment prescrits aux 11 millionsde personnes g es en France, pour traiter diversespathologies telles que les allergies, la d pression, lamaladie de Parkinson, l incontinence urinaire, l asthme,les troubles du comportement ou les maladies cardio-vasculaires [1]. Si certains m dicaments anticholiner-giques potentiellement inappropri s sont bien connus desg riatres, d autres comme le furos mide ou la war-farine fr quemment prescrits pr sentent des propri t santicholinergiques non n gligeables pourtant m connues[2].

4 Les personnes g es sont particuli rement vuln rablesaux effets secondaires des m dicaments anticholinergiquespour deux raisons principales : premi rement, les sujets g s sont plus expos saux m dicaments anticholinergiques du fait de leurspolypathologies qui les conduisent souvent une polym -dication, r sultant la fois de la prescription m dicale,mais aussi de l autom dication [3,4] ; deuxi mement, les personnes g es sont plus sensiblesaux effets secondaires anticholinergiques du fait duvieillissement physiologique [5]. En effet , le vieillisse-ment s accompagne d une alt ration du m tabolismeh pator nal et d une augmentation de la perm abilit dela barri re h mato-enc phalique ce qui favorise la iatro-g nie [5,6].Dans cet article, apr s un rappel des caract ristiquesdes m dicaments anticholinergiques et de leurs diff rentseffets secondaires chez le sujet g , nous allons pr senteret analyser les principales chelles d valuation de la effets secondaires desm dicaments effet anticholinergiqueUn m dicament anticholinergique ou un m dicament asso-ci des effets anticholinergiques est par d finition unemol cule qui bloque l action de l ac tylcholine en inhibantde mani re comp titive l un de ses deux r cepteurs : ler cepteur nicotinique ou plus majoritairement le r cepteurmuscarinique [7].

5 Les effets secondaires anticholinergiques peuvent induireune perte d autonomie, une diminution de la qualit de vieet une augmentation de la morbi-mortalit [8]. Ils peuvent tre parfois mineurs, temporaires ou survenir comme cons -quence d une condition pr existante du patient. Cependant,pris dans leur ensemble, ils peuvent avoir des suites dra-matiques sur l tat de sant de la personne g e. Enparticulier, les effets atropiniques peuvent entra ner uneconfusion et amplifier le risque d apparition de troubles dela m m decins doivent donc bien conna tre ces effetssecondaires afin de traiter efficacement les patients et,surtout, de pr venir et d anticiper les complications m di-cales potentielles de ces traitements chez les sujets g s[8].Typiquement, les effets secondaires anticholinergiquessont scind s en deux groupes, p riph riques et effets anticholinergiques p riph riquesIls se caract risent principalement par une constipation,une r tention urinaire aigu , une s cheresse buccale (x ro-stomie), une x rophtalmie, une tachycardie, une visiontrouble, des troubles de l accommodation, une mydriaseou un d r glement de la thermor gulation avec que la majorit des effets anticholinergiques p ri-ph riques ne soit le plus souvent que source d inconfort chezles sujets jeunes en relative bonne sant , ces effets peuvent tre catastrophiques chez les personnes g es et respon-sables de complications en cascades sur leur tat de sant [5,8].

6 La s cheresse buccale, outre l inconfort, a des cons -quences fonctionnelles importantes sur la mastication, lad glutition et la phonation pouvant tre source de d nu-trition et d alt ration de la qualit de vie. De plus, elleconstitue un facteur de risque d apparition de patholo-gies buccodentaires telles que les caries et les candidoses,compromettant le port de proth ses dentaires et augmen-tant le risque d infections respiratoires [9].Les troubles de l accommodation et la mydriase peuventpr cipiter ou exacerber un glaucome angle ferm chez lessujets g s pr dispos s, mais aussi augmenter le risque plaintes somatiques comme la constipation ou lestroubles urinaires peuvent entra ner un f calome, uner tention urinaire ou une infection urinaire, fr quemment l origine de confusion, de m me que la tachycardie qui peutsouvent tre mal tol r e par la personne g e et pr cipiterou aggraver une pathologie cardiaque [5,10].

7 Enfin, le d r glement de la thermor gulation induitpar les anticholinergiques, qui augmentent la temp ra-ture corporelle et inhibent la sudation, peut conduire une hyperthermie mortelle [11]. Une tude am ricaine ad ailleurs d montr que l utilisation de m dicaments auxeffets anticholinergiques triplerait le risque de succomber un coup de chaleur ou une autre cause durant les p riodesde canicule [12].Les effets anticholinergiques centrauxIls se caract risent par des troubles de la m moire, destroubles des fonctions ex cutives, une confusion mentale,une d sorientation spatio-temporelle, une agitation, deshallucinations et des troubles du comportement. Les m di-caments ayant des propri t s anticholinergiques ont t largement associ s l apparition d une confusion mentalechez le sujet g et repr sentent une des causes r versiblesles plus fr quentes de ce syndrome, particuli rement chezles sujets d ments [13].

8 De plus, les patients qui rec oivent un traitement r gu-lier incluant un anticholinergique ont un risque major de pr senter des troubles cognitifs de type mild cogni-tive impairment (MCI), pouvant voluer vers une d menceauthentique [7,14], ce qui va dans le sens de l hypoth secholinergique du dysfonctionnement de la m moire [15]. chelles d valuation de l effet anticholinergique des m dicaments 133 Comment valuer le potentielanticholinergique d un m dicament ?Les m dicaments anticholinergiques sont consid r s commepotentiellement inappropri s chez les sujets g s [2]. Pour-tant, ces m dicaments appartiennent diff rentes classesth rapeutiques et sont largement prescrits en g certains, comme l oxybutynine dans l incontinenceurinaire, ou l ipratropium dans la bronchopneumopathieobstructive chronique, sont utilis s sp cifiquement pourleurs effets anticholinergiques, et sont donc bien connus desg riatres, d autres appartenant divers classes pharmacolo-giques (antid presseurs imipraminiques, antihistaminiquesH1, antiarythmiques, neuroleptiques, anti m tiques.)

9 Ontdes propri t s anticholinergiques sans rapport avec leursutilisations et m connus des plus, certains m dicaments ont un faible potentielanticholinergique, mais peuvent induire d importants effetssecondaires s ils sont coprescrits avec d autres atropiniques[5,6].Plusieurs m thodes in vitro ont t d velopp es afinde d terminer les propri t s anticholinergiques des m di-caments : l activit anticholinergique du s rum (AAS), lamesure in vitro de l affinit d un m dicament au r cepteurmuscarinique et l laboration d une liste de m dicamentsanticholinergiques bas e sur l avis d activit anticholinergique du s rumUn dosage radio-immunologique a t d velopp pour quan-tifier la charge anticholinergique globale d un patient partir de son s rum, appel activit anticholinergique dus rum [4].Cette m thode permet de mesurer l activit anti-cholinergique des m dicaments et de leurs m tabolitesactifs chez un sujet (en quivalent atropine), en mesu-rant leur affinit pour le r cepteur muscarinique del ac tudes ont montr une corr lation entre leniveau d activit mesur (AAS) et les performances cog-nitives et/ou la pr sence d une confusion mentale chezles sujets g s sans d mence ou avec une d mence l g re[16].

10 L activit anticholinergique de plusieurs m dicamentscommun ment prescrits a ainsi t mesur e et standar-dis e par une quipe de chercheurs en pr parant unesolution du m dicament et en utilisant l atropine commem dicament de r f rence. Le but est de les classer selonleur niveau d quivalence anticholinergique l atropine,en ng/mL [17]. Plus la valeur en quivalent atropine d unm dicament est lev e, plus le m dicament poss deraitdes propri t s anticholinergiques importantes, comparati-vement aux m dicaments ayant des valeurs plus faibles[16].Cette m thode, bien que tr s int ressante, poss de denombreuses limites. En effet , la charge anticholinergique aseulement t calcul e une concentration unique (108M),ce qui peut ne pas tre cliniquement pertinent pour tous lesm dicaments tudi s et ce qui ne refl te pas les concentra-tions obtenues in vivo dans des conditions physiologiques.