dans les usines au XIXe si cle - Coop'ICEM

1 1 ** 172 1984 dans les usines au XIXe si cle Cette tude correspond une double inqui tude: - d'une part, le fait qu'il y a dans le monde au moins 52 millions d'enfants au travail nous interpelle, car nous profitons de cette exploitation, - d'autre part, dans les pays industrialis s se posent des questions sur les rapports entre le travail et l' cole, la remise en cause des structures scolaires, la r forme de l'enseignement et de l'apprentissage, la revalorisation du travail manuel. Ces pr occupations concernent galement les historiens sur la place des enfants dans la R volution industrielle du XIXe si cle: Le premier prol taire tait-il un enfant? . Comment les enfants ont-ils v cu cette p riode de mutation industrielle si rapide et si importante ? Mots- clefs : travail, enfance, industrialisation, 19 si cle, condition ouvri re 2 SOMMAIRE INTRODUCTION 3 ACTUALIT ET LIMITES DE CETTE TUDE 3 LE SI CLE DE L'ENFANT 4 LA MISE AU TRAVAIL DES ENFANTS 5 L'INDUSTRIALISATION IN GALE DE LA France 8 LES T CHES DES ENFANTS DANS LES usines 6 LE NOMBRE ET LA R PARTITION DES ENFANTS 9 LES ENFANTS DU PROFIT 11 UN TRAVAIL DE FOR ATS 14 L'ENFERMEMENT 14 UN EMPLOI PR CAIRE 18 UN TRAVAIL D'ESCLAVES 20 UNE VIE BRIS E 21 DES ENFANTS CONDAMN S 21 LE CORPS MENAC 22 L'ESPRIT 25 UNE VIE DE MIS RE 27 REMARQUES SUR LA R GLEMENTATION DU TRAVAIL 31 BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE 32 LE TRAVAIL DES JEUNES AUJOURD'HUI 33 LA R GLEMENTATION DU TRAVAIL DES JEUNES en 1984 33 DES FAITS RECENTS 34 - - - - - - - - - - - - Par Yves TYL Collaborateurs.

2 Paul Badin, Maylis DURAND-LASSEVE, Claude DUMOND, Mari BROISIN, Yves HANOTEAUX, Lucien MARTIN, ric ROISS Photographies : documents Yves Til (sauf p. 27 : photo nin) Maquette A. Dh nin, sept 2007 3 INTRODUCTION ACTUALIT ET LIMITES DE CETTE TUDE Cette tude correspond une double inqui tude: - d'une part, le fait qu'il y a dans le monde au moins 52 millions d'enfants au travail nous interpelle, car nous profitons de cette exploitation, - d'autre part, dans les pays industrialis s se posent des questions sur les rapports entre le travail et l' cole, la remise en cause des structures scolaires, la r forme de l'enseignement et de l'apprentissage, la revalorisation du travail manuel. Ces pr occupations actuelles concernent galement les historiens sur la place des enfants dans la R volution industrielle du XIXe si cle: Le premier prol taire tait-il un enfant? , demandait r cemment un conomiste 1.

3 Comment les enfants ont-ils v cu cette p riode de mutation industrielle si rapide et si importante ? Ce reportage de ouvre des pistes de recherche, il ne peut pas tre complet. Il insiste sur les permanences de la condition des enfants au travail dans les usines , il ne peut aborder la question des mutations ni des volutions du travail. Quelques pages seulement, la fin, effleureront cet aspect des choses en voquant les lois protectrices du travail des enfants. Nous avons pris le parti de pr senter un maximum de documents, tir s des archives ou de publications de l' poque, plus particuli rement d'Alsace, une des premi res r gions industrialis es au XIXe si cle : en 1848, elle occupait 1/l0e des ouvriers fran ais. Face ces documents, les lecteurs feront d'eux-m mes les commentaires et r flexions qui leur para tront s'imposer. La lecture historique est critique. Un tel dossier exigeait de faire appel un grand nombre de t moins, mais nous nous heurtons deux obstacles: d'une part, les t moignages d'enfants sont tr s rares, sinon inexistants ; d'autre part, la dimension de la brochure nous a oblig , restreindre notre sujet aux seuls enfants des usines .

4 N'oublions cependant pas les enfants de la campagne, tr s nombreux aider leurs parents, ou plac s dans une ferme, ainsi que les enfants travaillant dans les ateliers familiaux. 1 B. Bellon, Le volant de main d'oeuvre, Paris 1975. 4 LE SI CLE DE L'ENFANT Les historiens ont montr que l'int r t apport aux enfants par la soci t datait de quelques si cles seulement. Non pas qu'on ait n glig la pr sence des enfants dans les temps anciens, mais la personnalit propre de l'enfant, ses caract res sp cifiques et son volution n'ont attir l'attention que tardivement. Par contre, au XVIIIe si cle, l'enfant a pris une place importante dans le monde de l'affectivit comme dans le monde du savoir m dical. Le XIXe si cle s'est voulu le si cle de l'enfant. L'enfant roi, celui que le cercle de famille applaudit lorsqu'il para t (V.)

5 Hugo), l'enfant malheureux qui prend conscience de la duret des adultes (A. Daudet) ou de leur mesquinerie (J. Vall s). l'enfant qu'il faut choyer tout en le dressant (Comtesse de S gur), mais aussi le gamin de Paris (c'est Gavroche), le jeune au travail (c'est Jack, de Daudet), l'enfant abandonn (Hector Malot), etc. Tous ces enfants ne sont point comparables ni gaux entre eux. Les fils de la soci t bourgeoise ont droit une ducation scolaire et une adolescence sentimentale tandis que les enfants des familles ouvri res passent directement du premier ge celui de travailleur. On aime les enfants, au XIXe si cle, mais on ignore gar ons et filles ouvriers ou paysans, oblig s mener une vie d'adulte avant l' ge. 5 LA MISE AU TRAVAIL DES ENFANTS L'INDUSTRIALISATION IN GALE DE LA FRANCE L'emploi des enfants a t conditionn par le mouvement lent, discontinu, in gal de l'industrie au cours du XIXe si cle2.

6 Deux caract res essentiels ont marqu ce processus d'industrialisation: - d'une part, le maintien, jusqu'apr s 1850, des petites industries rurales, des m tiers dispers s dans les campagnes, qui s' taient multipli s en fonction des ressources naturelles de chaque r gion, pour r pondre une demande intensifi e des villes et un besoin croissant de num raire de la part des paysans. Ces industries concernaient des secteurs tr s vari s, aussi bien le textile que le b timent ou l'industrie de l'habillement. L'outillage industriel tait donc dispers dans toutes les campagnes, cette dispersion contribuant perp tuer un mat riel et des m thodes de travail archa ques; - d'autre part, la concentration des ouvriers dans certains domaines qui ont b n fici d'une technicit plus complexe et des capitaux plus abondants: le textile, l'extraction du charbon, la sid rurgie, la chimie. Ce mouvement n'a pas transform fondamentalement la carte industrielle de la France, et l'afflux des populations vers les centres urbains avait commenc ant -rieurement la R volution industrielle.

7 Avec la d pression conomique des ann es 1873-1896, l'abandon des campagnes s'est g n ralis 3 et les villes s'accrurent d'une nouvelle population ouvri re en qu te de travail. Ainsi rencontrait-on, dans les villes, jusqu'ici souvent peu industrialis es, une population instable de femmes et d'enfants, sous-employ s, ainsi que de saisonniers, formant, selon l'expression de Karl Marx, une arm e de r serve industrielle , qui rejoignait, dans les r gions de grande concentration industrielle, l'arm e des ouvriers arriv s au d but du si cle. Car, dans certains secteurs et dans quelques r gions, l'industrie avait, d s le Premier Empire, attir une population nouvelle, en offrant des emplois. La R volution industrielle avait contribu la cr ation de manufactures importantes, qui utilis rent la force m canique des cours d'eau, puis la machine vapeur pour mettre en action de nombreuses m caniques.

8 Il a fallu, tr s t t, ces entreprises, une main-d'oeuvre abondante et bon march , pour un travail simple et r p titif. Il importe de garder l'esprit la complexit du d veloppement industriel de la France au XIXe si cle, son caract re dualiste - coexistence d'un secteur traditionnel avec des industries modernes - afin de situer, dans ce cadre, l'emploi des enfants. Quoique les objets produits aient t presque identiques dans les fabriques et les ateliers, les conditions de l'emploi et les conditions de vie des ouvriers d'usine et des travailleurs domicile ou dans de petits ateliers, furent tr s diff rentes: des ateliers vosgiens, picards ou bas-normands aux grandes manufactures de Mulhouse, Lille ou Rouen, on passait d'un monde un autre. On allait du monde des ouvriers-paysans, travaillant sur des m tiers manuels, conservant les m thodes de travail et de vie traditionnelles, au monde des usines modernes, anonymes, aux grandes cit s populeuses, envahies par le prol tariat mis rable des ouvriers sp cialis s et des manoeuvres.

9 2 Le travail des enfants n'a pas d but au XIX si cle, mais il s'est tendu et g n ralis cette poque : tendu tout le pays et un tr s grand nombre d'enfants ; g n ralis tous les m tiers. Nous ne parlerons ici que des enfants travaillant dans les manufactures et ateliers importants. 3 Malgr tout, en 1914, la population agricole repr sentait encore 42 % de la population active. 6 Les rapports de Villerm sont des pi ces essentielles dans l' tude du travail des enfants au milieu du XIXe s. DISCOURS SUR LA DUR E TROP LONGUE DU TRAVAIL DES ENFANTS DANS BEAUCOUP DE MANUFACTURES (I). PAR, M. VILLERM , MEMBRE D8 L'ACAD MIE DES SCIENCES MORALES ET POLITIQUES. (Lu dans la s ance publique annuelle des cinq Acad mies de l'Institut de France, le 2 mai I837) ABR VIATIONS : Archives Nationales : Archives D partementales : Archives Municipales Les point de suspension dans une citation indiquent qu on a pratiqu une copure dans le texte.

10 On a donn la date des documents pour qu on puisse se rep rer dans le temps, voir les permanences ou les changements. LES T CHES DES ENFANTS DANS LES usines Il n'est pas possible de d tailler tous les m tiers auxquels taient attach s les enfants. Le plus grand nombre, cependant, fut employ , tout au long du XIXe si cle, dans l'industrie textile, principalement dans les filatures de coton et de laine, les tissages et les manufactures d'impression sur tissus. Dans une filature de coton: L' pluchage du coton 4, son cardage, et surtout le d vidage, sont plus particuli rement faits par des femmes aid es d'enfants du m me sexe. Chaque m tier filer occupe deux, trois, quelquefois quatre personnes, dont la plus g e dirige les trois autres, qui sont presque toujours des enfants. Ces derniers, appel s rattacheurs, surveillent les fils, rattachent ceux qui se brisent, nettoient les bobines en se pr cipitant sur le plancher, pendant que la partie mobile du m tier (le chariot) s' carte de la partie fixe et ramassent le coton de d chet (.)