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GNOSE MILLÉNARISME ET IDÉOLOGIES MODERNES

festschrift Walter Moser 1 GNOSE , MILL NARISME ET ID OLOGIES MODERNES Marc Angenot Je consacre la pr sente tude une tradition bien identifi e du vaste ensemble pol mique qui traverse le XXe si cle sur le recyclage du fait religieux dans la modernit politique. Ce secteur embrasse une r flexion sur l essor des philosophies de l histoire depuis Condorcet et sur les mouvements de masse des XIXe et XXe si cles. Il met au c ur de la caract risation de la modernit occidentale deux notions emprunt es l histoire religieuse, notions cens es r v ler l essence dissimul e de l esprit politique moderne : ce sont les notions appari es de GNOSE et de mill narisme. Le XXe si cle, qui allait, selon quelques bons esprits rationalistes du XIXe, voir s accomplir la fin des religions aurait t en fait essentiellement religieux et contin ment menteur soi-m me en niant, dans le camp des progressistes (bien moins dans celui des fascistes!)

Festschrift Walter Moser 1 GNOSE, MILLÉNARISME ET IDÉOLOGIES MODERNES Marc Angenot Je consacre la présente étude à une tradition bien identifiée du vaste ensemble polémique qui traverse le XXe siècle sur le recyclage du fait religieux dans la modernité politique.Ce secteur

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1 festschrift Walter Moser 1 GNOSE , MILL NARISME ET ID OLOGIES MODERNES Marc Angenot Je consacre la pr sente tude une tradition bien identifi e du vaste ensemble pol mique qui traverse le XXe si cle sur le recyclage du fait religieux dans la modernit politique. Ce secteur embrasse une r flexion sur l essor des philosophies de l histoire depuis Condorcet et sur les mouvements de masse des XIXe et XXe si cles. Il met au c ur de la caract risation de la modernit occidentale deux notions emprunt es l histoire religieuse, notions cens es r v ler l essence dissimul e de l esprit politique moderne : ce sont les notions appari es de GNOSE et de mill narisme. Le XXe si cle, qui allait, selon quelques bons esprits rationalistes du XIXe, voir s accomplir la fin des religions aurait t en fait essentiellement religieux et contin ment menteur soi-m me en niant, dans le camp des progressistes (bien moins dans celui des fascistes!)

2 , l tre le moins du monde. Il aurait t , d s lors, ce si cle de catastrophes humaines, de massacres et de charniers, de guerres et de g nocides parce que si cle de religions nouvelles affront es, acharn es leur destruction r ciproque non moins qu la destruction du monde ancien. De sorte que la sacralisation du politique et le concept de religions politiques se transmuent chez plusieurs en un instrument explicatif des horreurs du si cle pass . Les religions politiques rouge, noire et brune auraient t , comme les religions r v l es l avaient t autrefois, porteuses de fanatismes et de haines, responsables de massacres et de crimes crimes commis, comme toujours, au nom du souverain bien. Eric Voegelin et la GNOSE moderne Eric Voegelin est l auteur d une uvre de philosophie politique qui comporte trente-quatre volumes publi s ce jour en anglais1, uvre fort partiellement traduite et largement ignor e des chercheurs de langue fran aise alors que les tudes et les colloques sur la pens e de Voegelin se comptent par dizaines en anglais et en allemand.

3 Son travail sur les concepts de religion politique, puis (changement de conceptualisation d cisif pour lui) de GNOSE , ne forme qu une partie de la pens e d Eric Voegelin, inclassable philosophe que l on a pu tiqueter comme un festschrift Walter Moser 2 platonicien, un aristot licien, un thomiste, un chr tien d avant la contre-r forme (selon ses propres termes) gar dans le XXe si cle ; penseur dont les cibles premi res furent les ainsi nomm es religions politiques , nazisme et communisme, mais dont le principal projet philosophique, contre-courant, a t la critique radicale de la modernit , per ue comme vaine r bellion spirituelle contre l imperfection humaine et comme vain exorcisme sophistique face l incertitude du devenir.

4 Toute une cole n oconservatrice anglo-am ricaine de science politique et d histoire des id es se r clame aujourd hui des deux grands axiomes de Voegelin : Modernity is based on a deformation of Christian views of society and history. [..] Modern thought shares fundamental experiences and symbols with ancient Gnostic religion2. Un des premiers livres de Voegelin, paru Vienne quelques semaines avant l Anschlu (aussit t saisi et supprim par les nazis), a pour titre Die politische Religionen3. Il n'a t traduit que bien tardivement en fran ais4. La th se, hautement rudite, de ce livre dont peu ont pu alors prendre connaissance avait de quoi surprendre : le noyau en est que les id ologies bolchevik et nazie, essentiellement semblables, sont analogues la plus ancienne religion politique , cette religion intramondaine du culte du soleil, invent e et impos e jadis aux gyptiens par Amenhotep IV (Akhenaton)5.

5 Les id ologies de masse, socialistes et antisocialistes (que le converti catholique Waldemar Gurian avait pour sa part choisi, huit ans auparavant, de confondre sous le n ologisme commun de religions totalitaires ), apparaissent Voegelin comme un retour inopin ces religions antiques o le Prince est un dieu et o religion et pouvoir sont un. Lorsque les symboles de la religiosit supramondaine sont bannis, ce sont de nouveaux symboles n s dans le langage scientifique intramondain qui prennent leur place , expose Voegelin6. Une sacralisation perverse envahit l immanence de la vie en soci t , laquelle ne peut plus tre d limit e comme une sph re profane dans laquelle nous aurions seulement affaire des questions d organisation du droit et du pouvoir7.

6 Les religions politiques d placent le sacr dans une hi rarchie immanente de l tre. Elles installent dans le monde un f tiche plus-que-r el, un Realissimum, comme le nomme Voegelin. Elles mettent ipso facto l homme son service : L homme [..] se consid re lui-m me comme un outil, comme un rouage h g lien de la grande totalit , et se soumet volontairement aux moyens techniques avec lesquels l organisation du collectif l incorpore8. L tre-le-plus-r el s l ve la place de Dieu et cache ainsi tout le festschrift Walter Moser 3 reste9 . Puisque le Realissimum Plan quinquennal , Industrialisation , Salut de la Volksgemeinschaft , H g monie du Reich est tout, il faut que l individu ne soit rien, qu il n ait aucune valeur.

7 Le Realissimum exige et obtient toujours plus de sacrifices humains. Sur ce point et sur ce que cela promettait pour le monde, Voegelin, en 1938, n avait du moins aucun doute. Dans le secteur d id es qui est celui o s inscrit Voegelin, celui des philosophes chr tiens d esprit thomiste (pour caract riser ce secteur en une formule sommaire), l id e que les id ologies MODERNES de masse, au premier chef le socialisme, ne sont aucunement des doctrines s culi res, ni ath es ni mat rialistes comme elles le pr tendent, mais des avatars h r tiques de la r v lation chr tienne, cette id e, qui pouvait sembler absurde vue du dehors, loin d tre neuve, tait en fait un lieu commun qui se diffusait et se r laborait depuis le milieu du XIXe si cle intuition ou point de d part des conjectures que Voegelin retrouvera chez des penseurs catholiques fran ais, comme le P re Henri de Lubac et Jacques Maritain, dont les pens es nourriront sa r flexion ult rieure.

8 Au cours de la guerre, exil aux tats-Unis et creusant sa r flexion, Eric Voegelin va abandonner le syntagme-oxymoron de religions politiques . C est qu en effet, le travail qu il a entrepris partir du concept de GNOSE la GNOSE con ue comme une forme de vision du monde quivoque, qui n est ni proprement religieuse, c est- -dire transcendantale, ni immanente et sobrement profane va lui permettre, apr s 1945, un approfondissement th orique d cisif. Voegelin explique dans son autobiographie qu il a pris progressivement conscience , au cours des ann es 1940-1950, du fait que c t de la philosophie classique et du christianisme il existe, dans la longue dur e de l histoire occidentale, un autre, un troisi me grand type de ce qu on pourrait appeler des pist mologies existentielles, en l esp ce des symbolisations de croyances fondamentales que les experts [.]

9 ] rangent sous le qualificatif de gnostique10 . L esprit gnostique traduit une forme de r bellion contre la condition humaine qui traverse les civilisations et les si cles. Selon Voegelin, cette vision gnostique devient h g monique en Occident avec les Lumi res et les temps MODERNES seraient plus justement appel s Temps gnostiques . En 1951, Voegelin publie, en allemand puis en traduction anglaise, Die neue Wissenschaft der Politik: Eine Einf hrung11. C est dans ce livre qu il d veloppe d abord ce concept de GNOSE , qu il va retravailler ensuite dans Wissenschaft, Politik und Gnosis (1959) 12. festschrift Walter Moser 4 La repr sentation concr te et mat rielle du Second Av nement avait t consid r e comme ridicule par les g n rations de th ologiens catholiques depuis l Antiquit augustinienne, mais certains disciples du mystique calabrais Joachim de Flore au XIIIe si cle vont donner alors cette repr sentation de la fin de l'histoire une force et une dynamique nouvelles qui vont les relancer pour les si cles venir et jusqu nous.

10 Ce que Voegelin qualifie de GNOSE moderne trouve en effet sa source principale dans la th ologie trinitaire de l abb calabrais th ologie que d autres historiens qualifient, non moins bon droit, de mill nariste , cet abb de Flore dont Voegelin fait le penseur le plus pr gnant et le plus original de la modernit : In his trinitarian eschatology, Joachim created the aggregate of symbols which govern the self-interpretation of modern political society to the day 13. Joachim ne pr tendait pas avoir re u une r v lation divine. Il avait t favoris par la d couverte d une m thode herm neutique qui lui permettait de comprendre le sens des critures. C est ce qu il d signe comme l intellectus spiritualis14.


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