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L’explication de texte littéraire : un exercice à revivifier

Eduscol Ressources pour le lyc e g n ral et technologique Ressources pour le lyc e g n ral et technologique Explication de texte litt raire : un exercice revivifier Intervention de Patrick Laudet, inspecteur g n ral de l' ducation nationale, groupe des lettres, en s minaire national Ces documents peuvent tre utilis s et modifi s librement dans le cadre des activit s d'enseignement scolaire, hors exploitation commerciale. Toute reproduction totale ou partielle d'autres fins est soumise une autorisation pr alable du directeur g n ral de l'Enseignement scolaire. La violation de ces dispositions est passible des sanctions dict es l'article du Code la propri t intellectuelle. juin 2011. MENJVA/DGESCO L'explication de texte litt raire : un exercice revivifier Intervention au s minaire national sur les nouveaux programmes de lyc e (IA-IPR de Lettres /. Professeurs formateurs), les 16 et 17 mars 2011.

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1 Eduscol Ressources pour le lyc e g n ral et technologique Ressources pour le lyc e g n ral et technologique Explication de texte litt raire : un exercice revivifier Intervention de Patrick Laudet, inspecteur g n ral de l' ducation nationale, groupe des lettres, en s minaire national Ces documents peuvent tre utilis s et modifi s librement dans le cadre des activit s d'enseignement scolaire, hors exploitation commerciale. Toute reproduction totale ou partielle d'autres fins est soumise une autorisation pr alable du directeur g n ral de l'Enseignement scolaire. La violation de ces dispositions est passible des sanctions dict es l'article du Code la propri t intellectuelle. juin 2011. MENJVA/DGESCO L'explication de texte litt raire : un exercice revivifier Intervention au s minaire national sur les nouveaux programmes de lyc e (IA-IPR de Lettres /. Professeurs formateurs), les 16 et 17 mars 2011.

2 Pour une discipline, la parution de nouveaux programmes, les infl chissements et objectifs r nov s qu'ils proposent, sont une occasion pr cieuse de r fl chir aux exercices canoniques qui sont en usage dans les classes. Chacun s'accorde reconna tre que ce bel exercice de l'explication litt raire, tel qu'il se pratique aujourd'hui dans beaucoup de cours de lettres, est, sinon refonder, du moins r nover. C'est Val re Novarina, le grand promoteur de la Parole vive au th tre, qui a sans doute port l'estocade la plus fatale mais aussi la plus salutaire. Lisons-le une fois encore, pour prendre la mesure d'un probl me connu de beaucoup mais surtout pour nous efforcer de travailler . rendre caduque l'actualit de ce texte et d'en faire bient t, au plus vite, un document dat , un mauvais souvenir largement d pass : La sc ne la plus comique du Malade imaginaire est celle o le jeune Thomas Diafoirus, pour la charmer, propose sa fianc e une s ance de dissection : ainsi proc dent les manuels scolaires qui pr sentent un fragment d' uvre recouvert d'un compliqu appareillage : notes, notules, ast risques, encadr s, fl ches pointill es, renvois, rubriques, sous-notules.

3 Un morceau de litt rature s'offre nous comme le b uf en effigie chez le boucher : g te la noix, macreuse, tendron, contre-filet, second talon, bavette, flanchet, chine et jambonneau Un morceau de texte est l comme un cadavre sur la page, ouvert et pr t tre d cortiqu Juste c t , la panoplie de scalpels : adjuvants s quentiels, dislocuteur-sujet, morph me vectorisant, charmeur sensoriel, moteur de temporalisation, levier m taphorique, pinces carnatives, transvaseur potentiel, locutant, brumisateur spatiotemporel, pr locuteur second, carteur de doute, phonorisateur de e muet, vecteur de m tachronie, agent discursif, d sagisseur vocalisant, excitant du circuit il-corde vocale dans la lecture subvocalis e, mobilisateur oculaire du nominateur par d faut, d nominateur causal, agent chronotrope. 205. Devant le cadavre la page arrach e au livre et que l'on pingle, devenue un objet tale et fl ch - livr aux Sciences de la Communication, l ves et professeurs deviennent m decins l gistes.

4 Tout le monde est rassembl et les instruments sont pr ts pour que s'ouvre une le on de Litt rature l gale. 206. Seul le cadavre sera atteint L'utilit d'une dissection est surtout de nous enseigner comme la vie nous chappe : l'esprit du texte ne peut tre touch par le scalpel L'esprit du texte , c'est le souffle donn par toi, lecteur : l'action de ton haleine qui soul ve les mots, trouve le mouvement, l' motion, rassemble les pages, les nage, redonne vie aux lettres mortes et fait du livre un seul corps dansant. L'esprit du texte , son souffle, est une r alit mat rielle invisible et tr s concr te, qui restera . jamais hors d'atteinte des fl ches p dagogiques. ( ). 212. En ces temps de communication galopante, c'est dessein que les manuels coupent le souffle. Otent l'esprit. Ils veulent faire de chacun d'entre nous des couteurs de signaux, des ob isseurs dociles, des ex cuteurs deux temps, des parleurs monosyllabiques.

5 De parfaits sujets dress s acheter, rire et pleurer, s'indigner, s'enthousiasmer tous ensemble o . il faut, quand il faut ; ils nous tent le souffle pour tenter de nous assujettir aux formules, slogans et que nous devenions des animaux bien dress s ex cuter, brandir des mots creux : abr g s, comprim s, d charn s, compact s, format s et vite dits, des mots surgel s - et que nous devenions des t l graphes saisir au plus vite et instantan ment transmettre les signaux re us ! C'est tr s-tr s sciemment que la chair tr s obscure et tr s impure du langage : son ombre, son sous-sol, sa m moire, ses m andres, son esprit spiral, ses volutes, sont partout interdits et de partout chass s , et qu'il faut d sormais parler clair en langue aseptique et crire en d j traduit. 213. Au lieu qu'il faudrait descendre de plus en plus dans le langage, dans son corps profond, dans son labyrinthe, dans sa caverne incandescente, dans son drame.

6 Parce que, dans l'int riorit du langage,- dans la profondeur de son corps, dans son passage inverse, dans son th tre paradoxal, dans son carnaval de renversement op rent en toi et devant toi , t'agissent, les forces qui r gissent le monde mat riel Aussi les hommes ne devraient-ils plus dire : Voyons le monde et par le langage communiquons nos id es et nos impressions , mais : Descendons dans le langage pour en savoir plus ! ( ). 215. Les forces qui r gissent l'univers et celles qui architecturent le langage sont identiques. 216. C'est pourquoi, le texte mort, cartel , d coup , bris , accabl de fl ches, perclus de notes, il convient de le relire sans cesse, d'y nager jusqu' l'unir d'un souffle en le br lant par notre respiration. La vie le souffle , il n'en a pas ; il le recevra par le don de celui qui l'a pris dans ses mains. 1. 217. Br lez les livres de votre respiration ! C'est une le on de physique s raphique.

7 texte tr s jubilatoire, provocateur mais roboratif, d'inspiration tr s rabelaisienne par ses allusions la page c l bre du Quart-Livre sur les paroles gel es . Il nous lance aujourd'hui un d fi : comment ne pas abandonner l'explication de texte aux possibles Diafoirus ? Comment d geler les pratiques et les discours ? 1. Val re Novarina, Lumi res du corps, br ler les livres , P. O. L., 2006, p. 111-119. (Une lecture de ce texte a t donn e par Daniel Mesguish lors des premi res journ es de la BnF, M tamorphoses du livres et de la lecture l'heure du num rique , consultable sur le site : ). I. De l'int r t des apports de la nouvelle critique. L'h ritage formaliste . Rien de plus contraire la tradition et la s r nit d'une discipline que les virages 180. degr s. Le retour du sens dans les cours de Lettres et la pratique de l'explication de texte , souhait et souhaitable, ne signifie pas qu'il faille maintenant tourner le dos au meilleur de deux ou trois d cennies de recherches universitaires qui ont, rappelons-le, beaucoup f cond le champ pist mologique des tudes litt raires.

8 R nover l'explication de texte ne signifie pas, m caniquement, revenir on ne saurait quelle poque b nie du pass , forc ment id alis e par la nostalgie. une idol trie formaliste, substituer maintenant, comme par un brutal retour de balancier, une idol trie inverse des contenus de sens, des id es ou du message des textes , soutenue par une approche impressionniste voire effusive des auteurs, serait tout autant dommageable. En prenant d'ailleurs un certain recul historique, on mesure qu'une tension, f conde en elle-m me, a toujours pr valu dans les r flexions sur l'enseignement des lettres et notamment sur l'explication de texte litt raire. Tension entre une approche plus soucieuse de po tique au sens rh torique du mot, et une tradition plus sensible aux humanit s . Concurrence, en v rit ancienne, entre deux formes de g nie herm neutique, que Ric ur appelle d'un c t la g nialit romantique , assumant pleinement sa subjectivit et ses audaces interpr tatives, et la virtuosit philologique 2 , prise d'objectivit et soucieuse de rigueur formelle.

9 Selon les poques, l'une l'emporte sur l'autre, l'exc s parfois, d'o la n cessit de corriger alors les d rives pour r quilibrer les approches. Ainsi, en 1947, Marcel Cressot s'insurgeait contre une didactique de l'explication de texte peu sensible sa forme, et fossilis e, d j , dans des pratiques tr s m caniques r duisant souvent le texte aux id es : Voil trente ans qu'on pratique l'explication fran aise, parfois avec talent, souvent dans la routine, avec des cadres pr tablis qu'on garnit de trois ou quatre lieux communs, la paraphrase se chargeant du reste. Nul n'ignore, au surplus, qu' . partir de la troisi me, la grammaire est limin e avec tout ce qu'elle comporte au profit des id es . Aussi n'est-il pas au 3. baccalaur at d' preuve plus d cevante que l'explication fran aise.. Incontestablement, il y eut autrefois de tr s bons ma tres ; il y en eut aussi de moins bons Et il y eut autrefois des explications de texte , adeptes du catalogue des id es, qui n'expliquaient rien du tout !

10 En 1899, Antoine Albalat d plorait de son c t les fadeurs d'un cours de litt rature et les platitudes des usages explicatifs de son temps, l' uvre par exemple dans le commentaire d'une fable de La Fontaine, L'hirondelle et les petits oiseaux : Le plan est bien suivi. Le po te nous met l'hirondelle sous les yeux Cette incidente est d'un effet charmant Les 4. expressions sont pleines de d licatesse. Cette comparaison est pleine d' -propos.. Incontestablement, l'ancienne critique (prompte refermer la libert du jeu herm neutique) et par cons quent les anciennes pratiques de l'explication qui lui taient li es, souffraient souvent d'un certain malthusianisme interpr tatif 5 . Ressassement d' vidences, axiologie tr s marqu e, redites souvent plates des textes , objets de relev s (d j !), mais plut t celui des id es (les passions chez 2. Paul Ric ur, Du texte l'action, essais d'herm neutique II, Le Seuil, 1986, p.)


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