LA CARTOGRAPHIE CHEZ LES ARTISTES CONTEMPORAINS - …

1 LA CARTOGRAPHIE CHEZ LES ARTISTES . CONTEMPORAINS . par Anne Roqueplo Architecte DPLG, enseignante, ma tre assistant l' cole nationale sup rieure d'architecture de Normandie, enseignante vacataire l' cole d'architecture de la ville et des territoires de Marne-la-Vall e. Doctorat Architecture en cours : Le projet d'habiter des ARTISTES CONTEMPORAINS , directrice : Monique Eleb, cole doctorale Ville et environnement , Universit Paris Est. Courriel : Dans la lign e du courant situationniste et du Land Art, initiateurs d'une CARTOGRAPHIE d tourn e de son cadre originel, les d cennies 90 et 2000 sont t moins de l'apparition d'une g n ration d' ARTISTES s'emparant de la CARTOGRAPHIE comme outil premier de repr sentation.

2 Autour de leurs uvres se d ploient des potentialit s amplifi es qui jouent sur des croisements de donn es comme sur un d tournement de supports. Ces travaux s'accordent r v ler le statut de la carte comme outil privil gi de connaissance par ses qualit s d'appr - hension et de captation des probl matiques issues d'un territoire en mutation. Introduction qu'au 19e si cle, la carte de g ographie fut appr - hend e comme une parabole de la peinture, r duite Comme en t moignent les deux expositions comme elle transposer le monde sur une surface Mapping, organis es par Robert Storr en 1994 au plan (Brayer, p. 7). Mais, selon Nicolas Bourriaud, Museum of Modern Art de New York, et GNS, orga- c'est la nouvelle abstraction du monde qui place nis par Nicolas Bourriaud en 2003 au Palais de aujourd'hui la CARTOGRAPHIE comme mode de restitu- Tokyo, la CARTOGRAPHIE a pris au tournant du si cle tion privil gi de notre contemporan it , pris dans un une place de choix parmi les nombreuses pratiques ph nom ne de globalisation et de forte d mat riali- et repr sentations artistiques.

3 Le recours de plus en sation. L' conomie mondialis e n'a ni corps ni visa- plus fr quent aux cartes par les ARTISTES s'explique ge Comment figurer les flux de capitaux ou de par diff rentes raisons. Il s'inscrit d'abord dans une populations ? Les territoires urbains, tels qu'ils suc- tendance r cente des ARTISTES prendre possession c dent aux villes ? L'exp rience du virtuel et de la d'autres champs disciplinaires et de leurs outils. communication par Internet ? s'interroge-t-il Catherine Millet l'explique tr s bien lorsqu'elle affir- (Bourriaud 2003, p. 20). me : Les ARTISTES CONTEMPORAINS sont des pragma- tiques, r tifs l'apprentissage du m tier de peintre La carte d tient, depuis ses origines, une poten- ou de sculpteur, mais extr mement habiles pour for- tialit double : celle de comprendre une r alit en en ger leurs propres outils et m thodes ou pour s'empa- offrant une image r duite, simplifi e et hi rarchis e, rer de ceux des autres (Millet 2006, p.)

4 45). Et en et celle de constituer un pr alable l'action ou l'inter- l'occurrence si les ARTISTES empruntent la carte vention dans cette r alit et d'assurer une main mise comme mode repr sentatif, c'est qu'ils sont interpel- sur elle, un contr le des fins tant militaires, poli- l s par des questionnements relatifs au rapport de tiques que planificatrices. Or les ARTISTES se propo- l'homme son territoire par le biais du champ de la sent d' tendre les potentialit s de la carte. Parmi ces g ographie. extensions nous retiendrons trois axes : l'extension En r alit la CARTOGRAPHIE , en tant que mode de du rapport du r el l'imaginaire, de l'objectif au sub- repr sentation abstrait du monde, partage, d s son jectif et du local au global.

5 L'ensemble de ces polari- origine, les m mes objectifs et outils que l'art en t s s'orientent vers le d sir d'une meilleure connais- deux dimensions et l'on peut affirmer que les ARTISTES sance de notre monde contemporain moins en terme ont d'ailleurs largement t impliqu s dans l' labora- de restitution quantitative qu'en terme de tion des premi res cartes. ce sujet Marie-Ange connexions, croisements et d multiplications de Brayer, dans la revue Expos , souligne que jus- registres. CFC (N 205 - Septembre 2010) 107. 1 R el/imaginaire, la CARTOGRAPHIE groupe entreprend de parcourir le trac d'un aque- duc souterrain.

6 Certains autres projets privil gient complice du voyage le th me de la m moire des lieux. Ainsi la voie Si l'on s'en tient au 20e si cle, la CARTOGRAPHIE a romaine Appia Egnatia, th tre d'incessants d pla- d'abord parti li avec une pratique artistique qui va cements de populations, constitue le support d'un de la fl nerie vers la d rive. D s les ann es 20, les travail de relev cartographique de souvenirs dou- Dada stes initient la pratique de la fl nerie en ville loureux autour d'entretiens et de t moignages. dans la mouvance des crits de Baudelaire, Benjamin ou Aragon. Les Situationnistes, puis les La carte devient donc chez Stalker un pr alable ARTISTES du Land Art, prennent ensuite le relais en au parcours gr ce un travail graphique qui met en donnant une place importante la repr sentation valeur des espaces chappant la ville officiel- cartographique.

7 C'est ainsi que Debord r alise des le , ces zones s'offrant comme des opportunit s cartes localisant des unit s d'ambiance dans la ville d'exp riences temporelles et spatiales. Mais la de Paris (fig. 1). Concr tement, ces cartes consis- carte est aussi, comme chez les Situationnistes, un tent en des d coupages, isolements, attributions outil de restitution de qualit s non objectives li es . certains territoires de qualit sp cifique d' ambian- l'espace comme l'impr gnation du lieu par le souve- ce li e la notion de psychog ographie. Pour nir. Si le voyage qui accompagne le travail cartogra- Debord, la fabrication de cartes psychog ogra- phique des ARTISTES est effectif, il peut aussi relever phiques peut contribuer clairer certains d place- de l'imaginaire.

8 Ments d'un caract re non certes de gratuit , mais de parfaite insoumission aux sollicitations habi- La CARTOGRAPHIE comme support tuelles (Cholet, ). Dans le m me esprit sui- vront des jeux de piste organis s par les groupes d' vasion chez Philippe Favier. d' ARTISTES Fluxus ou Grav accompagn s eux-m me Philippe Favier r alise en 2004 une exposition par des sch mas cartographiques. Mais c'est le pour le Mus e d'art contemporain de Lyon, intitul e Land Art qui indubitablement privil giera la carte G ographie l'usage des gauchers. Cette exposi- comme outil de repr sentation tout particuli re- tion est l'occasion d'un travail pr paratif sur une ment dans les travaux de Sites et Non sites de dur e d'environ un an que l'artiste pr sente comme Robert Smithson, bas s sur le transfert de donn es un voyage, comme une exp dition faisant partie entre la galerie et un territoire ainsi que chez int grante de l'exposition.

9 Philippe Favier introduit Richard Long et Dennis Oppenheim inscrits dans le un jeu de cadavre exquis sur des contours d' les m me courant. Des ARTISTES conceptuels, comme imaginaires en collaboration avec d'autres ARTISTES Bertrand Lavier, mettront galement contribution autour de la th matique de la carte. La g ographie la carte. est li e pour Philippe Favier l'id e de voyage et d' vasion. Et il utilise depuis le d but de sa carri re Or ces pratiques, fond es sur le rapport de la des symboles vocateurs : le timbre, la carte posta- carte au parcours, ont retrouv r cemment un le, les phares, les bateaux et la figure du capitaine regain d'int r t notamment chez le collectif italien Cook qui provient de son enfance.

10 Stalker. Lyon, la carte constitue le pivot du dispositif d'exposition puisqu'un mur entier est recouvert de La CARTOGRAPHIE comme support peintures, chacune correspondant l'un des 365. d'exploration chez Stalker jours de l'ann e de pr paration. Cette carte devient Collectif d' ARTISTES et d'architectes, le laboratoi- n anmoins objet car l'artiste l'encadre, la fractionne re d'art urbain Stalker emprunte son nom un film morceau de territoire par morceau de territoire (fig. de Tarkovski de la fin des ann es 70. Le Stalker s'y 3). Si l'on regarde de plus pr s ces cartes, celles-ci pr sente comme un guide ou un passeur sur un ter- m lent des vues frontales aux vues du ciel, la ritoire mutant.