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1 LES ALL GATIONS D ABUS SEXUEL CHEZ L ENFANT: ENTRE LE DOUTE ET LA CONVICTION ? Yves-Hiram HAESEVOETS(*) R sum : Plut t que d voquer le probl me tr s actuel des fausses all gations d abus SEXUEL , l auteur propose une r flexion sur la difficult rencontr e par les personnes qui sont amen es recueillir et comprendre les r v lations d un enfant confront cette probl matique. Entre le doute clair , la conviction profonde et les certitudes tablies, en passant par la d licate question des faux positifs et les faux n gatifs, la r flexion critique est de mise. Une meilleure connaissance de la mani re dont l enfant rapporte des faits de nature sexuelle, une approche plus fine de la probl matique de l abus SEXUEL , une meilleure analyse du contenu de la d claration de la victime et une expertise pluridisciplinaire permettent de mieux tayer ces situations complexes et douloureuses.
2 Les cons quences d une all gation incertaine dans un contexte de divorce sont voqu es. M me si dans certaines situations de conflits conjugaux, elle appara t comme peu fond e, toute all gation d abus SEXUEL l gard d un enfant doit faire l objet de la plus grande attention. Mots cl s: all gations, abus SEXUEL , analyse critique, la fausse all gation. 1. Introduction Dans notre pratique, il est de plus en plus fr quent de recevoir les plaintes d'une m re, qui le plus souvent vit s par e ou est sur le point de se s parer du p re de l'enfant. Ces plaintes correspondent bien souvent des suspicions d'abus sexuels concernant le p re de l'enfant. A l occasion, elles sont relay es par des r v lations de l'enfant ou la manifestation de certains signaux.
3 Ces situations n cessitent la plus grande vigilance puisque rien d'embl e ne permet d' carter le bien fond des inqui tudes maternelles. L'exp rience et les recherches montrent qu'il y a parmi ces plaintes autant de v ritables abus sexuels que d all gations floues ou incertaines. Parmi ces all gations, certaines sont totalement fausses. Mais l heure actuelle, il s av re impossible d avancer des chiffres exacts sur la proportion des fausses all gations. Les tudes sur le sujet sont beaucoup trop disparates tant sur le plan m thodologique qu au niveau des r sultats obtenus. On peut tout au plus classer les all gations d abus SEXUEL en trois cat gories: celles dont les faits sont confirm s apr s analyse et expertise, celles o il persiste un doute et celles pour lesquelles il est d montr qu il n existe aucune preuve tangible au sujet d un ventuel abus SEXUEL .
4 On constate que m me si la plupart des all gations sont faites de bonne foi, il existe un certain nombre de faux-positifs et de faux-n gatifs. Au Quebec, environ 50% (entre 30 et (*)Psychologue clinicien / Centre Confident multidisciplinaire Enfants de l'H pital Universitaire Saint-Pierre de l' / psychoth rapeute d'orientation psychanalytique / charg de recherches l'Universit Libre de Bruxelles, cole de Sant Publique/ expert pr s des Tribunaux et du Minist re de la Justice / Membre de la Soci t belge francophone de psychiatrie infantile et des disciplines connexes / Membre de l'Association belge des psychologues praticiens d'orientation psychanalytique / Membre de l'Association pour tudes Freudiennes de Paris / Membre de la F d ration Belge des Psychologues / Membre de l'International Society for prevention of Child Abuse and Neglect / Conf rencier / formateur / superviseur d'intervenants m dicopsychosociaux et judiciaires.)
5 Et d' quipes institutionnelles / Membre expert de la Commission nationale contre l exploitation sexuelle des enfants. CENTRE CONFIDENT MULTIDISCIPLINAIRE SOS ENFANTS DU SAINT-PIERRE 290 RUE HAUTE 1000 BRUXELLES - T L & FAX: 02/5353425 72% selon les tudes) des all gations seraient douteuses dans des situations de conflit entre parents. Selon les contextes, le doute et l'angoisse entravent la perception de la r alit et am nent prendre des d cisions sans rapport avec les faits; conduisant par exemples l'incarc ration d'un p re divorc , alors qu'il n'a pas abus de son enfant lors du droit de visite (le faux-positif le plus fr quent) ou au retour de l'enfant son domicile, alors qu'il y est abus par son beau-p re (le faux-n gatif le plus courant).
6 La probl matique des faux-n gatifs entra nent des situations aussi dramatiques que celles des faux positifs. Ainsi, les cas o on affirme qu'il n'y a pas d'abus SEXUEL , alors qu'il y a eu abus; dans la plupart de ces situations, on ne tient pas compte de la sp cificit psychique de l'enfant et de sa parole. On qualifie l'enfant de t moin en omettant sa sp cificit d'enfant, d'autant qu'on sait qu'il est l'unique t moin de ce qu'il a v cu. On value ses propos avec des crit res d'adulte. On disqualifie l'enfant lorsque son discours ne correspond pas ces crit res ("l' talon des cinq C") : clart , c l rit , coh rence, consistance, certitude. Cependant la d claration d'un enfant ne r pond pas toujours ces cinq crit res et entra ne plus de faux-n gatifs; et par ailleurs, dans la plupart des histoires apprises ou fauss es, le discours de l'enfant a plus d'allure et correspond aux crit res des adultes, ce qui donne lieu des faux-positifs.
7 Les enfants pensent que les adultes se liguent pour ne pas les croire au fur et mesure qu'ils posent leurs questions et les r p tent; tel point que certains finissent par se r tracter ou s'enfermer dans le mutisme. C'est souvent la parole de l'enfant contre celle de l'adulte. L abus SEXUEL est avant tout un crime du silence o la parole n'a pas lieu. La corroboration des faits travers le discours de l'enfant ne se r alise qu' son unique d triment; il doit r p ter ses propos (en moyenne entre 16 et 26 fois selon les tudes, Van Gijseghem), aupr s de diff rents intervenants d'ob dience diverse, il doit dire et redire des informations d'ordre intime sur une personne qu'il aime parfois et qu'il a investi.
8 Il doit parler de choses qu'on ne raconte pas n'importe qui, lesquelles ont eu lieu au niveau de son corps et de sa sexualit . Cette mise en situation artificielle et compulsive voque toutes sortes de sentiments contradictoires, lesquels se r p tent force de se redire; et parfois redire, c'est refaire. Aux diff rents aspects psychoaffectifs du discours d'un enfant, s'ajoutent des variables cognitives sp cifiques (langage, vocabulaire, m moire, notion d'espace et de temps,..) qui rendent parfois difficile l'appr hension de la r alit . 2. Du doute l gitime aux fausses certitudes La premi re entrevue avec l'enfant pr sum abus est le moment n vralgique de tout le processus que l'on va mettre en place.
9 Il s'agit d'un moment crucial o beaucoup de choses vont se r gler. La suite des v nements d pend en grande partie de la qualit de l'investigation judiciaire et/ou clinique. Toutefois, l'intervenant qui rencontre l'enfant par le biais d une all gation d abus SEXUEL et qui doit se faire une conviction clinique est souvent confront au doute 1. L'intervenant peut galement tre " le si ge d'un tat de confusion ", .. "pris au pi ge d'informations contradictoires", il risque "pour sortir de cette situation paradoxale" de se servir "du d ni qui le d livre en m me temps de la v rit v cue comme insupportable" (Hadjiski, 1987; 307). 1 Par d finition, le doute correspond un " tat de l'esprit qui est incertain de la v rit d'une nonciation, de la conduite adopter dans une circonstance particuli Sans doute: selon toutes apparences.
10 Douteux : voudrait dire incertain, mais encore ambigu et contestable et , par extension, faible, sale, mauvais et de toute fa on, suspecte " (Le Robert, Cit par Thouvenin, Du secret la r v lation, 1991: 106). L'all gation d'abus SEXUEL , en relation avec les propos tenus ou les signes manifest s par l'enfant, risque d'entretenir un doute chez l'intervenant, m me lorsque la probabilit de l'abus est minime. Les questions pos es par l'intervenant risquent d'attiser l'ambivalence des sentiments l' gard du pr sum abuseur ou de r veiller des sympt mes qui pourraient faire penser l' ventualit d'un abus SEXUEL . Le ph nom ne d'adh sion de l'enfant au discours d'autrui se rencontre principalement dans des situations litigieuses entre ex- poux s par s.