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Les employés de la grande distribution: entre le chef …

Travail et emploi n 105 Janvier-mars 2006 7 CONDITIONS DE TRAVAILLe secteur de la grande distribution a t souvent d cri par l opinion publique et la presse pour ses pratiques commerciales(1), ainsi que ses prati-ques manag riales (PHILONENKO, GUIENNE, 1997). La litt rature sociologique voque g n ralement le cas embl matique des employ s de caisses (BOUFFARTIGUE, PENDARIES, 1994 ; ALONZO, 1998), cependant un hypermarch emploie galement du personnel pour assumer les t ches d adminis-tration, de nettoyage, de s curit , de maintenance technique, d approvisionnement des rayons, et tous subissent un mod le manag rial de plus en plus conforme celui du productivisme r actif (ASKENAZY, 2004). Ce mod le qui combine polyva-lence, travail en quipes, juste temps, et d marche qualit , est pr sent comme optimal par rapport la situation socio- conomique actuelle.

Travail et Emploi n° 105 • Janvier-mars 2006 • 7 • CONDITIONS DE TRAVAIL Le secteur de la grande distribution a été souvent décrié par l’opinion publique et la presse pour ses

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1 Travail et emploi n 105 Janvier-mars 2006 7 CONDITIONS DE TRAVAILLe secteur de la grande distribution a t souvent d cri par l opinion publique et la presse pour ses pratiques commerciales(1), ainsi que ses prati-ques manag riales (PHILONENKO, GUIENNE, 1997). La litt rature sociologique voque g n ralement le cas embl matique des employ s de caisses (BOUFFARTIGUE, PENDARIES, 1994 ; ALONZO, 1998), cependant un hypermarch emploie galement du personnel pour assumer les t ches d adminis-tration, de nettoyage, de s curit , de maintenance technique, d approvisionnement des rayons, et tous subissent un mod le manag rial de plus en plus conforme celui du productivisme r actif (ASKENAZY, 2004). Ce mod le qui combine polyva-lence, travail en quipes, juste temps, et d marche qualit , est pr sent comme optimal par rapport la situation socio- conomique actuelle.

2 Tous les acteurs y seraient gagnants : les consommateurs EpQp FLHUDLHQW G XQH RIIUH GH VHUYLFHV HW GH SURGXLWV de plus en plus tendue et adapt e ; les entreprises s assureraient une am lioration de leur croissance et de leurs performances. Les salari s quant eux, verraient voluer et s enrichir leur emploi , ceci JUkFH j OD GLYHUVL FDWLRQ GHV WkFKHV DX GpYHORS-pement de leurs comp tences, leur responsabili-sation et l augmentation de leur autonomie. Or, SRXU O HQFDGUHPHQW WRXWH OD GLI FXOWp HVW G DUULYHU j d l guer une part de pouvoir de d cision la masse des employ s sans pour autant perdre le contr le de l organisation et de l ex cution du travail (COUTROT,1999). La main-d uvre va-t-elle donner une force GH WUDYDLO VXI VDQWH HQ FRQWUHSDUWLH GX VDODLUH qu elle re oit ? Comment viter les n gligences, les possibilit s de WLUHU DX[ DQFV , ou mieux encore, s assurer la bonne volont des salari s ?]

3 Autant de questions qui depuis le taylorisme jusqu aux mod les productifs actuels ont donn une diversit de r ponse. travers cet article et l analyse des rapports entre les employ s, le personnel d encadrement et la client le, nous nous proposons de rendre compte des processus de contr le qui p sent sur les HPSOR\pV FRPPHUFLDX[ de la grande distribution ( 1). Nous rentrerons de mani re concr te et pr cise dans ce syst me d organisation du travail qui constitue un cas typique de cumul de contraintes PDUFKDQGHV DFFXHLO G XQ X[ GH FOLHQWqOH LPSRU-tant, longue posture ) et de contraintes TXDVL LQGXVWULHOOHV pFODLUDJH DUWL FLHO WUDYDLO GDQV la poussi re, port de charge lourde, ).Les employ s de la grande distribution : entre le chef et le clientSamuel Julhe (*) Merci du sourire et de l accueil que vous r servez notre client le. L analyse in situ des processus de contr le s exer ant sur les employ s commerciaux dans une grande surface montre que leur activit constitue un cas typique de cumul des contraintes marchandes et industrielles.]]

4 Les pratiques manag riales sont pass es d un mod le de supervision directe une standardisation des objectifs, privil giant l assignation d objectifs individuels et collectifs via un mixte d autocontr le et de contraintes psychologiques. Les conditions de travail dans le secteur de la grande distribution laissent peu de marges de man uvre aux employ s. Le client , v ritable figure manag riale se trouve ainsi instrumentalis par la direction de l entreprise pour favoriser l engagement du personnel et l intensification du travail. La pratique du client-myst re, l orientation-client comme slogan, ou encore les prescriptions de la d marche qualit , auraient-elles pour fonction de permettre l loignement de la figure prescriptive de la direction en mati re d organisation du travail et de d tourner le m contentement des employ s sur un client non individualis sur lequel on ne peut agir ?

5 (*) UFR STAPS, quipe SOI, Universit Paul Sabatier, Toulouse III &I. parmi d autres articles de presse : Champion veut se faire G ant (L Humanit , 3 septembre 1997) ; Guerre d usure entre les boutiques et les usines vendre (Le Monde, 7 janvier 1999) ; Les producteurs de fruits et l gumes se plaignent de la grande distribution (Le Monde, 11 ao t 1999) ; Carrefour et Promod s fusionnent : un mariage tr s picier (Lib ration, 30 ao t 1999) ; Racket dans la grande distribution la fran aise (Le Monde diplomatique, f vrier 2002). 8 Travail et emploi n 105 Janvier-mars 2006 Nous essaierons dans un premier temps d aborder les diff rentes formes de contr le direct exerc es par les cadres interm diaires sur les employ s. Nous verrons dans quelle mesure cela peut aller jusqu la stigmatisation de certains employ s. Par la suite nous aborderons le r le du client dans le processus de resserrement du contr le social au WUDYDLO DLQVL TXH OD PDQLqUH GRQW FHWWH JXUH HVW instrumentalis e par la hi rarchie et l entreprise.

6 (Q Q QRXV TXHVWLRQQHURQV O pWHQGXH GHV PDUJHV GH man uvre des employ s et les moyens de r sistance leur pesanteurs d un syst me de supervision directeDe mani re grossi re, on peut dire qu au cours du XXesi cle les pratiques manag riales ont volu d un mod le de supervision directe une standardi-sation des objectifs. Par homologie, cette volution se retrouve dans la carri re des employ s rencon-tr s au cours de l enqu te. Ils passent d un contr le resserr de leur activit , une forme d autocontr le s appuyant sur l assignation d objectifs individuels et le cas que nous tudions, les nouveaux HPSOR\pV FRPPHUFLDX[ ne re oivent aucune forma-tion propre l enseigne ou au magasin, ils sont plac s sous le contr le direct de leur chef de rayon. Dans cette situation, l apprentissage du m tier se fait de mani re parcellis e, au travers de la descrip-tion relativement grossi re que fait le chef de rayon des t ches effectuer : prendre une palette en r serve et l amener sur la surface de vente ; d placer des articles d une gondole une autre ; remplir un rayonnage vide avec le contenu de cartons d sign s, HWF Pendant quelques jours, puis de mani re plus pisodique,OH FKHI reste au c t de l employ et participe ses t ches courantes.)]

7 Cette mani re de mettre la main la p te s accompagne de conseils, le plus souvent lanc s sur un ton humoris-tique. Les nouveaux apprennent ainsi manipuler leur outil de travail (tirpal manuel, transpalette et gerbeur ) et les rudiments du marchandi-sage (PLV, ). L employ doit aussi compter Encadr 1M thodologie et cadre de l enqu teL laboration des r sultats pr sent s ici a t r alis e gr ce la tenue quotidienne d un journal de terrain et son exploitation. Embauch deux reprises et un an d intervalle dans le magasin A , nous avons proc d un recueil de donn es cumulant quatre mois d observation participante. Notre contact avec le terrain s est fait durant les p riodes estivales, raison de six heures par jour, six jours par semaine. Bien entendu, au-del de la critique subjectiviste que l on peut faire la m thode ethnographique, la limite inh rente notre travail est la faible tendue du champ d investigation et l impossibilit d tendre les r sultats l ensemble du secteur de la grande contextualiserons l enqu te en pr cisant que l hypermarch tudi fait partie d une grande enseigne nationale et se situe sur le premier des trois principaux axes commerciaux que compte l agglom ration toulousaine.

8 Sa cr ation en 1974, cet hypermarch atteignait 12 500 m2, mais depuis sa r novation en 1995, il s tend sur plus de 14 000 m2, auquel s ajoute un p le commercial de 40 000 m2. En termes de surface, ceci le place parmi les premiers hypermarch s de la r gion Midi-Pyr n es. On notera galement la pr sence moins de cinq kilom tres, d un autre hypermarch appartenant une enseigne concurrente. Le chevauchement des zones de chalandise qui en r sulte et qui place le magasin en zone fortement concurrentielle n est pas rare dans ce domaine d activit , m me s il est ici exacerb (WEISBERG, DEFFAUX, 1999).De fa on plus pr cise, l observation a t r alis e dans un secteur sp cifique du magasin, celui du bazar l ger . Ce d partement, comprend sept rayons (bricolage, auto, sport, jardin/plein-air, jouet, papeterie, m nage) et emploie entre vingt et vingt-cinq personnes, auxquels viennent s ajouter, selon les p riodes d activit s, un quatre saisonniers (1) et plus ponctuellement quelques membres du personnel de caisse(2).

9 Pour la majorit des salari s de ce d partement, les journ es de travail se d roulent sch matiquement de la mani re suivante : apr s l embauche(3), la premi re t che est de ranger son rayon d affectation, puis de le remplir avant que la surface de vente ne soit d gag e pour l ouverture du magasin. En fonction de l importance du remplissage, les employ s effectuent par la suite le rangement des r serves, des zones de circulation, et mettent au rebut les diff rents d chets issus de l activit du magasin (cartons, plastiques d ). Enfin, avant de quitter le magasin, ils leur restent pr parer un r assort de produits pour le lendemain.(1) La mani re dont cette main-d uvre aborde ce travail et la fa on dont elle est g r e par l entreprise sont comparables ce qui a t d crit dans d autres secteurs industrialo-commerciaux, notamment celui des fast-foods (PINTO, CARTRON, BURNOD, 2000 ; BENGHOZI, 2001).

10 (2) La flexibilit du temps de travail qui s est g n ralis e dans le secteur-caisse, la polyvalence recherch e et encourag e chez les employ s, permettent d utiliser les caissiers comme main-d uvre d appoint sans avoir recours aux heures suppl mentaires ou l embauche int rimaire, options plus co teuses.(3) La majorit des employ s du magasin travaille entre six heures et midi, d autres quipes travaillent sur les plages 9h-15h ou 15h-21h, heure de fermeture du et emploi n 105 Janvier-mars 2006 9 CONDITIONS DE TRAVAILsur les remarques ironiques indiquant un manque de vitesse dans l ex cution du travail, ou une rupturesur un ou plusieurs articles. Ces erreurs devront rWUH UHFWL pHV DX SOXV YLWH 'H SOXV D Q G pYLWHU toute inactivit , un ensemble de t ches est donn par avance, ce qui a pour effet de mettre sous pression le novice. Ceci donne voir sa hi rarchie s il est pour ainsi dire capable de tenir son poste.


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