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Les maîtres de Poste et le transport public en ... - FNARH

Les Cahiers de la FNARH n 93, 2004 20 Les ma tres de Poste et le transport public en France 1700-1850 Patrick marchand De 1700 1850, les transports publics con-naissent un formidable d veloppement alors m me que l tat des techniques, d pendant de la force de traction animale, n volue pas ou peu. En t moignent la croissance continue des changes pistolaires, l augmentation du trafic des marchandises et des voyageurs, la multiplication des entreprises de transport , notamment dans la premi re moiti du XIXe si cle. Dans le paysage du transport public , les ma tres de Poste ont jou un r le de premier plan, b n ficiant des faveurs de l tat et d une conjoncture conomique favo-rable. Comment les ma tres de Poste , dont la fonction n a pas toujours t bien comprise par les historiens, se sont-ils maintenus et enrichis malgr les temp tes politiques et les -coups de la conjoncture conomique ?

20 Les Cahiers de la FNARH93, 2004 Les maîtres de Poste et le transport public en France 1700-1850 Patrick Marchand De 1700 à 1850, les transports publics con-naissent un formidable développement alors

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1 Les Cahiers de la FNARH n 93, 2004 20 Les ma tres de Poste et le transport public en France 1700-1850 Patrick marchand De 1700 1850, les transports publics con-naissent un formidable d veloppement alors m me que l tat des techniques, d pendant de la force de traction animale, n volue pas ou peu. En t moignent la croissance continue des changes pistolaires, l augmentation du trafic des marchandises et des voyageurs, la multiplication des entreprises de transport , notamment dans la premi re moiti du XIXe si cle. Dans le paysage du transport public , les ma tres de Poste ont jou un r le de premier plan, b n ficiant des faveurs de l tat et d une conjoncture conomique favo-rable. Comment les ma tres de Poste , dont la fonction n a pas toujours t bien comprise par les historiens, se sont-ils maintenus et enrichis malgr les temp tes politiques et les -coups de la conjoncture conomique ?

2 On observera tout au long de cette enqu te, une double continuit : celle d une solidarit de raison entre les ma tres de Poste et l tat, celle d une formidable ascension sociale qui repose sur le progr s agricole et le d velop-pement des changes. travers l histoire des ma tres de Poste , c est toute l histoire du transport public qui est ici clair e. Ignor , ce domaine de l histoire appelait une mise au point. L ancien r gime du transport public pr sente un incroyable maquis. Cet enchev trement des institutions de transport , difficile d m -ler, r sulte des privil ges d exploitation accor-d s des particuliers ou des corps par les souverains, seuls d tenteurs du droit doma-nial. Aussi, le droit du transport public est-il une v ritable for t de titres o seul le juge parvient trouver son chemin.

3 C est lui que l on faisait appel pour r gler les conflits et r tablir la concorde entre les transporteurs : les fermiers des coches, les messagers de l Universit , les messagers royaux, les entre-preneurs de diligences, les rouliers, les ex-ploitants des liti res, les loueurs de chevaux, les ma tres de Poste , les fermiers et sous-fermiers de la Poste aux tous b n -fici rent d un droit d exploitation circonscrit un domaine g ographique, limit un type de fret et une allure. L tat n a jamais t -moign d une r elle volont de remettre de l ordre dans ce domaine d autant plus qu il tirait de larges subsides des privil ges d ex-ploitation qu il conc dait. La ferme g n rale des Postes, cr e en 1672, apportera au roi des revenus r guliers et augment s chaque renouvellement du bail.

4 La direction r elle de la Poste aux let-tres, aux mains de quelques familles de riches financiers, permettra une r organisa-tion progressive du transport public et un nouveau partage du domaine. La ferme g -n rale des Postes s appropriait le transport exclusif des lettres et ne laissait aux messa-gers que le transport des personnes et des petits paquets. Les quelque 800 bureaux de Poste aux lettres ( ne pas confondre avec les Postes aux chevaux) qui existaient au d -but du XVIIIe si cle seront, partir de 1720, g r s par des directeurs appoint s par la ferme g n rale des Postes et non plus affer-m s. Cette organisation ne brida pas pour autant l initiative priv e. L apparition dans les an-n es 1760 des petites postes tablies par quelques entrepreneurs avis s, dans les plus grandes villes du royaume, t moigne des march s pistolaires qu il restait conqu rir sous Louis XV.

5 Quant au transport des voya-geurs, les plans d am lioration propos s par des financiers en qu te de gains se heur-taient la r sistance des privil gi s. Il fallut attendre Turgot pour que l int r t g n ral l emporte sur les int r ts priv s. En 1775, l association forc e des ma tres de Poste et des entrepreneurs de messagerie, les pre-miers fournissant les chevaux aux seconds, propri taires des v hicules, permit d une part une r duction de la concurrence, d autre part une acc l ration des changes. Les Cahiers de la FNARH n 93, 2004 21La r forme de Turgot ne fit que conforter la domination des grandes entreprises sur le transport public de voyageurs, d j effective depuis la fin du XVIIe si cle.

6 Le mouvement de concentration s acc l re au XVIIIe si cle et culmine la veille de la R volution. R u-nissant quelques grandes familles dont on re-trouvera les noms jusqu la fin du XVIIIe si cle, ces entreprises mobilisent un norme capital d exploitation tant en chevaux qu en voitures et fourrages. L importance des reve-nus qu elles tirent de leur exploitation permet de payer au roi le prix du bail qui ne cesse d augmenter au cours du XVIIIe si cle. Dans ce march de la messagerie toujours pr caire pour les petites entreprises, les monopoles taient assur s de leur long vit malgr les r adjudications p riodiques. Ce sont ces grandes entreprises de messa-gerie qui, jouissant de cette rente de situation dans le domaine du transport de voyageurs, parvenaient obtenir les march s de trans-port des paquets de lettres (les d p ches) offerts par la ferme g n rale des postes.

7 Les contrats pass s aux uns et aux autres d fi-nissaient avec rigueur leurs droits, leurs de-voirs et leurs obligations. Sous l Ancien R gime, les r seaux s toffent mais laissent encore le sud de la France d prim . La fr quence des changes pisto-laires reste limit e deux ou trois services hebdomadaires. M me si l tat des chaus-s es s am liore, la vitesse maximum est celle obtenue par les courriers de la Poste aux lettres qui, expos s aux frimas et aux dan-gers de la route, transportent au galop les d p ches sur seulement quatre destinations : Strasbourg, Lyon, Bordeaux et Toulouse. Les d lais d acheminement des paquets de let-tres, spectaculaires pour le XVIIIe si cle (Paris Lyon en 56 heures) r sultent de l organisa-tion des relais la Poste aux chevaux te-nus par les ma tres de Poste qui mettent leurs chevaux la disposition des courriers.

8 Cette institution, dont Louis XI fut le cr ateur vers 1477, est d essence strat gique. Destin e d abord au service du souverain, la Poste aux chevaux fut ouverte au public au d but du XVIe si cle, essentiellement aux voyageurs fortun s. Le r seau n a cess de se d velopper au gr des besoins de l tat et en r ponse aux n cessit s du commerce. La fonction de ma tre de Poste ne manquait pas d attraits car elle conf rait des privil ges fis-caux son titulaire. Les conditions de son recrutement taient particuli rement rigoureu-ses. Tout aussi rigoureuse tait la surveillan-ce qui s exer ait sur la qualit de leur service car le roi, pour des raisons politiques, ne pouvait laisser s interrompre la cha ne de transmission de ses ordres aux intendants de province.

9 Aussi les ma tres de Poste b n ficiaient-ils de toutes les attentions de la monarchie qui leur portait secours d s lors qu ils mena aient de d missionner en raison de difficult s d exploitation de toute nature. Mais au royaume de France, tous les ma tres de Poste ne vivaient pas dans l opulence comme on s est plu le croire. Le groupe n est pas homog ne quant aux situations de fortune. Certains sont nobles et riches. D au-tres ne jouissent que d un patrimoine modes-te. Les ma tres de Poste de Paris et des relais qui communiquent avec la capitale figurent sans conteste parmi les plus fortun s. Tous ont labor une strat gie familiale et patrimo-niale qui inscrit durablement le nom au relais.

10 Certaines familles ont r gn sur les Postes aux chevaux durant plusieurs d cennies, constituant ainsi ce que l on a coutume d ap-peler des dynasties. Anim s d un puissant esprit de famille, les ma tres de Poste for-ment un microcosme dont les membres sont solidaires, ne serait-ce que par des alliances matrimoniales judicieuses et par esprit de corps. Dans ces vastes b tisses que sont les relais, les ma tres de Poste offrent aux voya-geurs le g te et le couvert et tirent un profit substantiel de l h tellerie. Mais c est surtout l exploitation d un domaine agricole qui per-met aux ma tres de Poste d entretenir une ca-valerie co teuse. L association de la ferme et de la Poste est le secret de leur r ussite : les avoines et les fourrages produits par les ma -tres de Poste taient consomm s par les chevaux de Poste , lesquels fournissaient le fumier n cessaire l engraissement des ter-res.