Example: bachelor of science

Libertés et ordre public - conseil-constitutionnel.fr

Libert s et ordre public Les principaux crit res de limitation des droits de l'homme dans la pratique de la justice constitutionnelle 8 me s minaire des cours constitutionnelles tenu Erevan du 2 au 5 octobre 2003 La France d tient sans aucun doute le record des constitutions. Pas moins de quinze constitutions en deux si cles ! Je ne vous en citerai que deux : celle de 1848 et celle de 1958. Pourquoi parler aujourd'hui de la Constitution de 1848 ? Parce qu'elle nous montre que la conciliation entre l' ordre et la libert n'est pas un probl me r cent, qui daterait du 11 septembre 2001. Lors de la r daction de cette constitution, un d bat tr s int ressant eut lieu devant l'assembl e constituante sur l'utilit d'inscrire une d claration des droits et des devoirs en pr ambule de la constitution. Notre po te, mais aussi homme politique, Alphonse de Lamartine tait favorable cette inscription.

En revanche, l'originalité française vient de ce que ces libertés ont des sources historiques diverses, dont certaines sont anciennes et que leur énoncé est

Information

Domain:

Source:

Link to this page:

Please notify us if you found a problem with this document:

Other abuse

Transcription of Libertés et ordre public - conseil-constitutionnel.fr

1 Libert s et ordre public Les principaux crit res de limitation des droits de l'homme dans la pratique de la justice constitutionnelle 8 me s minaire des cours constitutionnelles tenu Erevan du 2 au 5 octobre 2003 La France d tient sans aucun doute le record des constitutions. Pas moins de quinze constitutions en deux si cles ! Je ne vous en citerai que deux : celle de 1848 et celle de 1958. Pourquoi parler aujourd'hui de la Constitution de 1848 ? Parce qu'elle nous montre que la conciliation entre l' ordre et la libert n'est pas un probl me r cent, qui daterait du 11 septembre 2001. Lors de la r daction de cette constitution, un d bat tr s int ressant eut lieu devant l'assembl e constituante sur l'utilit d'inscrire une d claration des droits et des devoirs en pr ambule de la constitution. Notre po te, mais aussi homme politique, Alphonse de Lamartine tait favorable cette inscription.

2 En revanche, le d put r publicain Fresneau, y tait oppos . Voici ce qu'il d clarait cette occasion : Si l'on a pr sent .. ces droits de l'Etat et ces droits de l'individu, a-t-on fait quelque chose de bien remarquable, de bien utile au ? On a tout simplement pos un probl me, l' ternel probl me de la conciliation du droit de l'individu avec le droit de la soci t , de la conciliation de l' ordre avec la libert . [Propos rapport s par le Pr. Fran ois LUCHAIRE Naissance d'une constitution : 1848, p. 55 Fayard, 1998] Quant la Constitution de 1958, c'est elle qui a cr le Conseil constitutionnel et lui a permis de contr ler la conciliation faite par le l gislateur entre les libert s et l' ordre public . Ma br ve intervention d'aujourd'hui a pour but de vous pr senter comment le Conseil constitutionnel proc de ce contr le. Auparavant, il me para t important de pr ciser bri vement les notions de libert s et d' ordre public en droit fran ais.

3 I - Les notions de libert s et d' ordre public A - La notion de libert s Dans L'esprit des lois (chapitre II du livre XI), dit Gen ve en 1748, le philosophe Montesquieu crit : Il n'y a point de mot qui ait re u plus de diff rentes significations, et qui ait frapp les esprits de tant de mani res, que celui de libert . C'est la raison pour laquelle je ne parle pas de libert au singulier mais de libert s au pluriel. Parmi ces libert s et sans trop entrer dans les d tails, nous trouvons : 1) Celles qui rel vent du respect de l'autonomie de la personne : la s ret ou la libert individuelle [Art. 4 de la DDH (s ret ) et 66 de la Constitution] au sens de l'habeas corpus, le respect de la vie priv e, l'inviolabilit du domicile ou des correspondances, le respect de la personne humaine [D cision IVG n 74-54 DC du 15 janvier 1975, p. 19 + 94] ; 2) Les libert s d'agir : libert d'aller et venir, libert d'entreprendre [D cisions n 81-132 DC du 16 janvier 1982 (nationalisations), p.]

4 18 ; n 2001-455 DC (loi de modernisation sociale), p. 49, cdt 45]; libert 3) Les libert s de la pens e : libert de conscience et d'opinion, libre communication des pens es (presse crite et ), libert de l'enseignement, libert d'association [D cision n 71-44 DC du 16 juillet 1971, p. 29], libert de manifestation [D cision n 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d'orientation et de programmation relative la s curit , p. 170], libert s politiques [Art. 4 de la Constitution]. 4) Les libert s contenu conomique et social : propri t , libert syndicale [D cision n 83-162 DC des 19 et 20 juillet 1983], droit de gr Comme toute typologie, celle que je viens d'esquisser est contestable. Tel ou tel d'entre vous pourrait estimer que les distinctions propos es ne sont pas les plus pertinentes ou que le catalogue est incomplet ou dat . Cette liste n'en constitue pas moins une sorte de fonds commun des pays d mocratiques.

5 En revanche, l'originalit fran aise vient de ce que ces libert s ont des sources historiques diverses, dont certaines sont anciennes et que leur nonc est g n ralement plus vague que dans les d mocraties dont les constitutions, plus r centes, comprennent un catalogue pr cis de droits fondamentaux. Ces sources sont les suivantes : D claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, Pr ambule de la Constitution de 1946, principes fondamentaux reconnus par les lois de la R publique, Constitution de 1958. Je n'y insisterai pas [Ainsi les libert s touchant au respect de l'autonomie de la personne se rattachent l'article 2 de la D claration de 1789 ; celles relatives la libert d'agir son article 4 ; les droits conomiques et sociaux sont surtout fond s sur le Pr ambule de la Constitution de 1946 ; la libert d'association est un principe fondamental reconnu par les lois de la R publique ; la libert individuelle (au sens d'habeas corpus) a son si ge dans l'article 66 de la Constitution de ] B - La notion d' ordre public * Le Conseil constitutionnel n'a jamais d fini ce qu'il entendait par ordre mais, la lecture de ces d cisions, il est facile de comprendre ce quoi il fait r f rence.

6 Il s'agit en fait d'une notion que tout le monde comprend sans qu'il soit besoin de lui donner une d finition pr cise ! Il est cependant possible de dire que la d finition donn e de l' ordre public par le Conseil constitutionnel est tr s proche de celle utilis e en droit administratif fran ais depuis plus de deux si cles. Elle recouvre le bon ordre , la s curit , la salubrit et la tranquillit publique . En revanche, elle n'englobe pas, comme en mati re administrative, la dignit de la personne humaine , pour la raison que ce principe dispose d'un fondement sp cifique dans le Pr ambule de la Constitution de 1946. De m me, si la notion d' ordre public pr sente un lien de parent assez fort avec celle d'int r t g n ral, le Conseil constitutionnel distingue nettement l'une et l'autre dans ses d cisions. Garantie de la s curit des personnes et des biens, l' ordre public est regard par la jurisprudence du Conseil comme le bouclier de certaines des plus fondamentales de nos libert s : La pr vention des atteintes l' ordre public est n cessaire la sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle.

7 * L' ordre public n'est explicitement mentionn qu'une fois dans nos textes constitutionnels. C'est l'article 11 de la D claration de 1789 : Nul ne doit tre inqui t pour ses opinions, m me religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l' ordre public tabli par la loi . L' ordre public r sulte donc d'une construction jurisprudentielle tendant assurer la garantie effective de droits et principes constitutionnels. Il s'agit de la notion stricte d' ordre public (et non d'un ordre public plus large, tel que l' ordre public social, sanitaire, cologique). Le coeur de cet ordre public (au sens strict du terme) me semble tre le principe de la s ret garantie par la D claration de 1789 : il n'est pas de libert possible dans une soci t o les individus craignent pour la s curit de leur personne. * Le Conseil a donn un statut juridique cette notion traditionnelle d' ordre public en faisant de sa sauvegarde un objectif de valeur constitutionnelle.

8 Un objectif de valeur constitutionnelle, qu'est-ce dire ? Les objectifs de valeur constitutionnelle sont des imp ratifs li s la vie en soci t qui doivent guider l'action normative. Ils permettent en outre de prendre en compte des consid rations d'int r t g n ral en vue d'att nuer la port e de certaines r gles constitutionnelles, y compris des droits ou libert s. L' ordre public a t l'un des premiers objectifs d gag s par le Conseil constitutionnel. Il a ainsi jug , en 1981, que la libert individuelle et celle d'aller et venir doivent tre concili es avec ce qui est n cessaire pour la sauvegarde des fins d'int r t g n ral ayant valeur constitutionnelle comme le maintien de l' ordre public (d cision des 19 et 20 janvier 1981 sur la loi s curit et libert ). Cette philosophie se retrouve dans la Convention europ enne des droits de l'homme. En effet, certaines libert s qui y sont proclam es peuvent faire l'objet de restrictions lorsque ces derni res - je cite - constituent des mesures n cessaires, dans une soci t d mocratique, la s curit nationale, l'int grit territoriale ou la s ret publique, la d fense de l' ordre et la pr vention du crime, la protection de la sant ou de la morale, la protection de la r putation ou des droits d'autrui, pour emp cher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorit et l'impartialit du pouvoir judiciaire.

9 C'est le cas, par exemple, de la libert d'expression proclam e par l'article 11 de la Convention europ enne des droits de l'homme. II - La conciliation entre les libert s et l' ordre public A - L' ordre public est n cessaire l'exercice des libert s Pour le Conseil constitutionnel, l' ordre public se pr sente, je l'ai dit, comme une n cessit d mocratique. J'en donnerai deux exemples. Le premier est de 1981. Il s'agit d'une d cision relative la loi dite s curit et libert , dans laquelle le Conseil juge que la recherche des auteurs d'infractions et la pr vention d'atteintes l' ordre public , notamment d'atteintes la s curit des personnes et des biens, sont n cessaires la mise en oeuvre de principes et de droits ayant valeur constitutionnelle . La seconde, qui date de 1985, a t rendue l'occasion d'une loi mettant en place l' tat d'urgence en Nouvelle-Cal donie (dans le Pacifique sud) la suite de graves v nements : Il appartient au l gislateur d'op rer la conciliation n cessaire entre le respect des libert s et la sauvegarde de l' ordre public sans lequel l'exercice des libert s ne saurait tre assur.

10 Le Conseil constitutionnel en d duit que, si la Constitution, dans son article 36, ne vise que l' tat de si ge, elle n'a pas pour autant exclu la possibilit pour le l gislateur de pr voir un r gime d' tat d'urgence pour concilier, comme il vient d' tre dit, les exigences de la libert et la sauvegarde de l' ordre public B - La limitation des libert s peut tre l gitim e par la sauvegarde de l' ordre public Le maintien de l' ordre public tant une n cessit pour l'exercice des libert s, il en d coule que, dans certaines circonstances, les libert s peuvent tre limit es pour sauvegarder l' ordre public . Ce pouvoir de limitation appartient au l gislateur d s lors que l'article 34 de la Constitution dispose que la loi fixe les r gles concernant les garanties fondamentales accord es aux citoyens pour l'exercice des libert s publiques. Ainsi, comme l'a rappel le Conseil constitutionnel dans une d cision r cente sur la s curit int rieure (mars 2003), il appartient au l gislateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la pr vention des atteintes l' ordre public et la recherche des auteurs d'infractions, toutes deux n cessaires la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des libert s constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent le respect de la vie priv e (prot g par l'article 2 de la D claration des droits de l'homme et du citoyen de 1789), la libert d'aller et venir (prot g e par l'article 4 de la D claration), ainsi que la libert individuelle, que l'article 66 de la Constitution (en vertu duquel Nul ne peut tre arbitrairement d tenu )


Related search queries