Methylphénidate et abus - swiss-paediatrics.org

1 Vol. 20 No. 5 2009 Fortbildung / Formation continue Methylph nidate et abus perstimulation sympathique entra ne des effets ind sirables essentiellement neuro- psychiatriques et cardio-vasculaires, tels F. Livio*, C. Rauber-L thy**, J. Biollaz*, L Holzer**, U Winterfeld*, T Buclin* qu'euphorie, agitation, d lire, hallucinations, dyskin sies, hyperthermie, convulsions, arythmie, angor. Des d c s ont t occa- sionnellement rapport s5) et le risque de Introduction ainsi que pour la narcolepsie. Diff rentes mort subite est accru, m me en l'absence formes gaI niques destin es l'adminis- de cardiopathie sous-jacente6). Le m thylph nidate est un stimulant du tration orale sont disponibles sur le mar- syst me nerveux central, proche des am- ch : des comprim s/capsules lib ration Potentiel addictif ph tamines par son m canisme d'action, imm diate (Ritaline , Medikinet ), lib - commercialis depuis les ann es cinquante, ration prolong e (Ritaline SR sustained Le potentiel d'abus du m thylph nidate initialement pour le traitement de la narco- release), ou lib ration retard e prendre est bien tabli.

2 Quelques dizaines de cas lepsie et de la fatigue chronique. Son poten- une fois par jour (Concerta , Ritaline LA d'abus de m thylph nidate, le plus souvent tiel addictif est connu de longue date: un des long acting). Le m thylph nidate est limi- par voie intraveineuse ou nasale, associ s premiers cas publi s remonte 19601). Il est n principalement par d sest rification en des complications li es au produit ou . soumis la Loi f d rale sur les stup fiants. acide ritalinique inactif. Il subit un important l'injection, sont r f renc s dans Pubmed. Reconnu ult rieurement comme un trai- effet de premier passage h patique: sa bio- Sur 60 tudes comportementales chez tement efficace des troubles d ficitaires disponibilit moyenne est de l'ordre de 30%. l'animal et l'homme, 48 ont montr que de l'attention avec ou sans hyperactivit Sa demi-vie d' limination est courte, environ le m thylph nidate entra ne des effets (TDA-H) de l'enfant et de l'adolescent, le 2 4 heures, mais n'est pas pertinente pour subjectifs euphorisants similaires la co- m thylph nidate (Ritaline , Concerta ) a les formes retard, puisque dans ces cas, la ca ne ou aux amph tamines et induit, par le vu ses ventes fortement augmenter partir lente absorption est le facteur limitant de plaisir occasionn , un renforcement positif des ann es quatre-vingt-dix, d'abord en l' limination (flip-flop).

3 De la prise (tendance reconsommer), tr s Am rique du Nord puis en Europe. Le dia- Le m thylph nidate a des effets cat chola- sp cifique des substances addictives7). gnostic de TDA-H pourrait concerner 3 5% minergiques centraux et p riph riques. Au En outre, le m thylph nidate augmente des moins de dix-huit ans, voire plus selon niveau central, le m thylph nidate se lie au les concentrations extracellulaires de do- certaines tudes. Plus r cemment, on a iden- transporteur de la dopamine (DAT), diminue pamine par un m canisme identique . tifi ce trouble chez des adultes, auxquels la recapture de la dopamine et augmente celui de la coca ne, par blocage du DAT, s'est alors largi le champ de prescription ainsi les concentrations extracellulaires en particulier au niveau du striatum et du du m dicament. de ce transmetteur. Il accroit galement nucleus accumbens, r gions impliqu es Cet engouement, de loin pas toujours jus- la transmission noradr nergique et, dans dans le processus de renforcement positif tifi 2), pour le m thylph nidate peut faire une moindre mesure, s rotoninergique.

4 Le et de r compense (et qui seraient dysfonc- craindre une recrudescence des abus. mode d'action du m thylph nidate dans le tionnelles dans le TDA-H8)). En d pit de ces L'objectif de cet article est de comparer le TDA-H n'est pas enti rement lucid , mais similitudes, le potentiel d'abus du m thyl- potentiel addictif du m thylph nidate celui l'hypoth se d'un r le b n fique de la dopa- ph nidate appara t plus faible que celui d'autres stimulants et de passer en revue la mine pr vaut. de la coca ne. Ceci pourrait s'expliquer fr quence et les modalit s d'abus dans dif- L'efficacit du m dicament dans le TDA-H a par des diff rences pharmacocin tiques f rentes populations. Enfin, les abus de m - t tablie par plusieurs tudes contr l es3). et pharmacodynamiques entre ces deux thylph nidate recens s par le Centre Suisse Une revue critique des vidences dispo- substances, en particulier une demi-vie d'Information Toxicologique (CSIT) entre nibles rel ve cependant que ces tudes intrac r brale et un blocage du DAT plus 1996 et 2009, seules donn es disponibles sont limit es 2 ans de suivi et ont surtout long, avec persistance de concentrations en Suisse, sont analys s r trospectivement.

5 Montr un effet sur les scores comporte- lev es de dopamine et induction d'une mentaux valu s par les enseignants et les tol rance aigu sous m thylph nidate9). Caract ristiques pharmacocin - parents, plut t que sur les chelles d'an- D'autres facteurs viennent largement tiques et pharmacodynamiques xi t des enfants, leurs succ s scolaires moduler le potentiel d'abus propre des ou leur volution vers la d linquance ou la substances addictives: avant tout la voie Le m thylph nidate est un d riv pip ridine consommation de drogues4). d'administration, mais aussi la dose et la enregistr pour le traitement du TDA-H chez A dose th rapeutique, le m thylph nidate forme gal nique10). On notera que la ma- l'enfant d s 6 ans, l'adolescent et l'adulte, peut am liorer les performances intellec- jorit des tudes ayant tabli le potentiel tuelles, acc l rer la fr quence cardiaque, d'abus du m thylph nidate ont recouru.

6 Lever la tension art rielle et diminuer la voie parent rale, produisant un pic de * Division de Pharmacologie et Toxicologie cliniques, D partement de M decine, Centre Hospitalier Uni- l'app tit ainsi que les besoins en sommeil. concentration d terminant pour le renfor- versitaire Vaudois, Lausanne, Suisse Son utilisation long terme peut entra ner cement non obtenu par l'administration ** Centre Suisse d'Information Toxicologique, Zurich, un retard de croissance chez l'enfant. Il fait orale. Ainsi, l'administration intraveineuse Suisse ** Service Universitaire de l'Enfant et Adolescent, Centre partie des agents dopants prohib s dans le de comprim s cras s et dilu s entra ne Hospitalier Universitaire Vaudois, Lausanne, Suisse sport de comp tition. En surdosage, l'hy- une arriv e quasi instantan e et compl te 41. Fortbildung / Formation continue Vol. 20 No. 5 2009. de m thylph nidate au niveau du syst me Adultes ( 16 ans) Enfants (<16 ans).

7 Nerveux central et un effet euphorisant N % N %. rapide. La prise nasale (sniff) de compri- m s cras s est galement associ e Nombre de cas 95 85 17 15. une arriv e rapide et quasi int grale du Genre m thylph nidate dans le syst me nerveux Masculin 60 64 9 56. central, du fait que la muqueuse nasale F minin 34 36 7 44. est tr s vascularis e et que cette voie Age m dian (min-max) 25 (16-50) 13 (8-15). court-circuite l'effet de premier passage h patique. La prise orale dose th rapeu- Substance tique n'entra ne classiquement pas d'effet M thylph nidate seul 52 55 9 53. euphorisant ni de renforcement positif de M thylph nidate + co-ingestion 43 45 8 47. la prise, sauf aux doses les plus lev es. Voie d'administration Ceci peut s'expliquer par une arriv e plus Oral 55 60 14 82. progressive du m thylph nidate dans le syst me nerveux central, insuffisante pour Nasal 8 9 1 6.

8 D clencher une r ponse dopaminergique Inhalation - - 2 12. rapide, un tat d'euphorie et un renforce- Parent ral iv, ia, im 12 13 - - ment positif. Les formes orales lib ration Combin e 16 18 - - retard e (Concerta , Ritaline LA) ont des Provenance de l'appel caract ristiques cin tiques pic tardif, puis concentrations en plateau qui M decin d'h pital 54 57 6 35. diminuent encore le risque d'abus, pour M decin hors h pital 16 17 2 12. autant qu'elles soient bien prises par voie Public 18 19 7 41. orale11). Autres 7 7 2 12. Caract ristiques pid miolo- Evolution connue 41 43 5 30. giques des abus Pas d'effet - 3. Effet mineur 25 2. L'abus, au sens large, non limit aux crit res Effet mod r 12 - psychiatriques, est d fini ici comme la prise Effet majeur 4 - hors prescription, ou une dose sup rieure la dose prescrite, ou via une voie d'admi- D c s - - nistration non orale.

9 Tableau 1: Caract ristiques des abus de m thylph nidate signal s au Centre Suisse La fr quence des abus, vis e r cr ative d'Information Toxicologique entre 1996 et 2009. ou pour augmenter les performances, n'a pas t tudi e dans tous les groupes extrapolables l'ensemble des adolescents/ Une revue syst matique des abus de stimu- risque. Les tudes sont nord-am ricaines et adultes, trait s ou non par m thylph nidate. lants prescrits dans le TDA-H aux Etats-Unis, portent sur des adolescents et des adultes; Une tude portant sur 161 coliers am ri- soit m thylph nidate et amph tamines, il n'y a pas de donn es concernant les en- cains trait s au long cours pour un TDA-H r v le un abus chez 5 9% de jeunes adoles- fants TDA-H trait s. r v le que 16% d'entre eux ont t abord s cents et chez 5 35% de jeunes adultes au Dans un collectif am ricain de quelques 500 pour vendre, donner ou troquer leur m - cours de l'ann e coul e.

10 En outre 16 29%. adolescents et adultes r f r s dans un centre thylph nidate14). Un sondage effectu chez d' tudiants trait s pour un TDA-H ont t . sp cialis pour TDA-H, 14% ont reconnu abu- quelques 12 000 adolescents am ricains sollicit s pour donner, vendre ou changer ser de leur traitement stimulant, notamment l' cole secondaire (highschool) a r v l que leur stimulant17). du m thylph nidate, le plus souvent par voie 4% d'entre eux avaient consomm au moins nasale. Quarante pourcent de ces patients une fois du m thylph nidate hors prescrip- Abus signal s au Centre Suisse consommaient galement des stimulants tion durant l'ann e coul e. Les abuseurs d'Information Toxicologique (CSIT). illicites (coca ne, m tamph tamine )12). Sur de m thylph nidate taient galement plus 450 adolescents pris en charge dans un enclins consommer d'autres substances Cent douze cas d'abus de m thylph nidate centre sp cialis pour abus de substances et illicites et avaient de moins bons r sultats (tentamen non compris) ont t enregis- co-morbidit s psychiatriques, 6% abusaient scolaires15).