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L’éducation et le rôle des enseignants à l’horizon 2020

UNESCO : horizon 2020 Philippe Meirieu1L ducation et le r le des enseignants l horizon 2020 Philippe Meirieuprofesseur des universit sDepuis le d but du vingti me si cle, et de mani re si r currente queplusieurs commentateurs ont pu parler d un b gaiement constitutif dudiscours p dagogique, il est d usage d opposer une p dagogie centr e surl enseignant et une p dagogie centr e sur l apprenant . Dans la premi re, lasituation serait organis e autour de la prestation du ma tre : celui-ci dispense desinformations dont la validit scientifique et culturelle est av r e mais sans sedemander d aucune mani re si elles sont adapt es ses l ves, int gr es dansleur progression et participe de leur formation personnelle. Dans la seconde, lasituation serait organis e autour de la construction par l l ve de ses propresconnaissances : l enseignant y devient une personne-ressource qui diagnostiqueles besoins de chacun, lui fournit les documents et exercices adapt s,l accompagne dans un parcours individualis.

UNESCO : HORIZON 2020 Philippe Meirieu 2 “ accès égalitaire de tous à l’universel ”, certaines pédagogies aboutissent, en effet, à privilégier ceux et celles qui disposent d’un environnement intellectuel

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1 UNESCO : horizon 2020 Philippe Meirieu1L ducation et le r le des enseignants l horizon 2020 Philippe Meirieuprofesseur des universit sDepuis le d but du vingti me si cle, et de mani re si r currente queplusieurs commentateurs ont pu parler d un b gaiement constitutif dudiscours p dagogique, il est d usage d opposer une p dagogie centr e surl enseignant et une p dagogie centr e sur l apprenant . Dans la premi re, lasituation serait organis e autour de la prestation du ma tre : celui-ci dispense desinformations dont la validit scientifique et culturelle est av r e mais sans sedemander d aucune mani re si elles sont adapt es ses l ves, int gr es dansleur progression et participe de leur formation personnelle. Dans la seconde, lasituation serait organis e autour de la construction par l l ve de ses propresconnaissances : l enseignant y devient une personne-ressource qui diagnostiqueles besoins de chacun, lui fournit les documents et exercices adapt s,l accompagne dans un parcours individualis.

2 Dans la p dagogie centr e surl enseignant , il s agirait de s duire ou de capter un auditoire pour l amener reproduire un comportement intellectuel standardis . Dans la p dagogiecentr e sur l apprenant , on mettrait en place des contrats partir d objectifsn goci s, avec le souci constant d impliquer chacun dans la d marche, de lerendre actif et de le faire participer sa propre valuation. Dans la premi rer gnerait la s lection drastique impos e par la r gle du mim tismeidentificatoire . Dans la seconde se construirait progressivement un mod le der ussite diff renci e o chacun pourrait atteindre des objectifs diff rents maisd gale dignit . P dagogie centr e sur l enseignant , p dagogie centr e surl apprenant : d une opposition pol mique une exigence thiquefondatriceUne telle opposition a t n cessaire dans l histoire de la pens e ducativeet a eu une fonction pol mique particuli rement saine. Ainsi les militantsp dagogiques l ont-ils adopt e et utilis e en de multiples variations pourstigmatiser des formes d enseignement scl ros es, pr occup es seulement deleur propre p rennit.

3 Ignorant la r alit des personnes concr tes au nom d unUNESCO : horizon 2020 Philippe Meirieu2 acc s galitaire de tous l universel , certaines p dagogies aboutissent, eneffet, privil gier ceux et celles qui disposent d un environnement intellectuelou d une logistique familiale leur permettant d entrer, avec une d penseminimale d nergie, dans le mod le scolaire propos . D autres p dagogies, muespar la m me logique magistrocentriste , mais port es par un volontarismeconqu rant, basculent, elles, de l ducation dans le dressage en imposant par laforce des formes d acculturation qui rompent brutalement avec le pass despersonnes et cherchent les soumettre une norme est sain, cet gard, de rappeler toujours l existence de l enfantconcret , dont les conditions socio- conomiques d existence, lespr occupations, les acquis ant rieurs, la culture d origine et l histoirepersonnelle doivent n cessairement tre pris en compte m me si - et surtout dansle cas o - on veut le faire progresser, ne pas l enfermer dans ses difficult s, luipermettre l acc s une culture critique et l exercice de sa libert.

4 L onn installe pas un tre par d cret dans le ciel des id es , abolissantmiraculeusement l ensemble de ses adh rences psychologiques et sociales aumoment o il entre dans une salle de cours. C est pourquoi l id alismep dagogique du magistrocentrisme est condamn soit la r signation, soit la violence. Ou bien, il suppose la m tamorphose spontan e de l enfant concreten sujet de raison et, consid rant pour acquis ce qui ne peut tre qu un projetsur le long terme, s interdit de le poursuivre. Ou bien, il impose cettetransformation par la force, cherchant d truire sans les comprendre toutesformes de r sistance sa propre entreprise. La s lection sociale par le fatalismesociologique et la colonisation culturelle par l arrachement brutal d un sujet son histoire apparaissent ici comme les deux versants d un m me principep dagogique, d une m me conception de l ducation : il ne s agit pasd accompagner un sujet dans sa propre construction vers sa propre libert maisde promouvoir un mod le culturel auquel il importe avant tout de se p dagogie centr e sur l apprenant a ainsi le m rite de rappelerinlassablement qu il convient de se mettre la port e de celui que l on veut duquer, non pour renoncer aux exigences ducatives et s ab mer dans lacontemplation b ate des aptitudes qui s veillent, mais pour travailler, auquotidien, une v ritable formation de la personne.

5 Car, pour elle, led gagement des situations locales et des contraintes contingentes ne peut treobtenu par un arrachement violent ; il suppose une mise en perspective, desconfrontations progressives avec d autres points de vue, l laboration desituations p dagogiques labor es avec le souci constant d un accompagnementet d une appropriation individualis e des savoirs. L ducation n est pas iciimposition d une norme mais construction d un rapport int rieur du sujet l exigence de v rit : l enfant apprend distinguer progressivement ce quirel ve de sa propre subjectivit de ce qui peut tre construit en objet commun UNESCO : horizon 2020 Philippe Meirieu3; il diff rencie ses fantasmes personnels de la r alit qui merge lentement dansles rencontres avec d autres personnes, d autres environnements, d autrescultures. Il commence dissocier ses propres interpr tations de ce qui peut fairel objet d un accord dans la confrontation r ciproque. Il fait l apprentissagedouloureux de la renonciation la toute-puissance, aux projections d brid es deson imaginaire, la s curit des repr sentations dans lesquelles il s tait install.

6 Et c est bien cela, fondamentalement, que doit permettre l ducation, tant travers les premi res exp riences familiales o l on apprend suspendre sesimpulsions imm diates pour respecter des r gles de vie collectives qu traversles probl mes scientifiques les plus labor s o l on mesure la r sistance deschoses l empressement de notre esprit. C est cela aussi qui se joue dans larencontre avec l uvre culturelle, d s lors qu elle permet de reconna tre en elledes aspirations, des inqui tudes, des questions que nous portons en nous : sonext riorit nous renvoie notre int riorit en m me temps qu elle nous aide sortir de notre solitude. D autres que nous ont aussi v cu ce que nous vivons ; ils en ont fait un objet qui chappe l acte de leur cr ation, devient un biencommun qui nous relie, au-del de la diversit de nos histoires singuli observe ici quel point une p dagogie centr e sur l apprenant nedoit, en aucun cas, r duire sa centration une simple coute bienveillante ou sedissoudre dans une relation caract re th rapeutique.

7 De m me que l enseignantenseigne toujours quelque chose quelqu un, de m me l apprenant apprendtoujours quelque chose de quelqu un. Ce quelque chose n est pasanecdotique, ce ne peut tre seulement un pr texte pour faire des exercicesmentaux et d velopper l attention ou la m moire, ce quelque chose est unobjet culturel sans lequel nul ne peut bref, le magistrocentrisme risque toujours, on l a vu, de basculerdans la s lection ou le dressage. Mais il a son sym trique dans le pu rocentrisme , qui rabat l ducation sur l accompagnement cet accompagnement soit instrumentalis en termes affectifs outechnologiques, qu il se donne pour objectif l instauration de bonnesrelations ou l acquisition de comportements stabilis s , cela ne change rienau caract re dangereux de cette d rive. Tant que la relation entre celui qui duque et celui qui est duqu n est pas m diatis e par des objets culturelsqu on peut, tout la fois, s approprier et mettre distance, il n y a pas dev ritable mancipation.

8 Car cette derni re suppose que la d pendance ducativesoit bris e et que le sujet duqu puisse distinguer ce qu il a acquis de celui oucelle qui lui a permis de l acqu rir. Il faut qu il puisse s appuyer sur ce qui luiest transmis pour s exhausser au-dessus m me des conditions de , si l ducation est bien la promotion de l humain contre toutes lesformes d inhumanit qui nous envahissent, elle requiert n cessairement ceUNESCO : horizon 2020 Philippe Meirieu4travail lent et patient par lequel le petit d homme puis l adulte, avec l aide deceux qui sont arriv s avant lui dans le monde, apprennent se relier aux autresdans un mouvement r ciproque de construction de l objet et de construction desoi. C est un mouvement par lequel soi et le monde apparaissent et sedistinguent la fois, pour que l on puisse apprendre pr cis ment entrer enrelation avec le monde et avec nos semblables. Et c est l , sans doute, l exigence thique fondatrice de toute socialit : que le je ne s enferme pas dans ladomination hautaine, ne se crispe pas sur une identit triqu e, ne cherche pas radiquer l alt rit.

9 Mais s ouvre, au contraire, travers la m diation de laculture sous toutes ses formes, l humanit pr sente en chacun et en tous. Larecherche exigeante de la v rit et l ouverture autrui ne constituent ainsi qu unseul et m me mouvement, celui par lequel grandit l clerc, le biblioth caire et le compagnon : d une pluralit de mod les une conception ouverte de l acte d enseignerAinsi la contradiction entre une p dagogie centr e sur l enseignant etune p dagogie centr e sur l apprenant , en d pit de son caract re caricatural,nous a-t-elle permis d approcher ce qui fait le sens m me de l acte ducatif etdevrait donc servir de r f rent fondateur au m tier d enseignant : une thique dela v rit et de l alt rit . Certes, on l aura bien compris, aucune de ces deuxformes de p dagogie ne se retrouve jamais, dans la r alit , l tat pur .Chaque ma tre, chaque instant, adopte une posture situ e quelque part sur uncontinuum dont les deux extr mit s n ont pas d existence propre.

10 Chaque ma tredoit tre assez centr sur l apprenant pour chapper au d lire qui le menace ;cela lui permet d viter de parler sans se soucier de son auditoire ou en excluantviolemment quiconque n entre pas de plain-pied dans son discours. Chaquema tre doit aussi tre assez centr sur la culture dont il est porteur et qu il amandat de transmettre : cela lui vite de renvoyer celui qui lui est confi sesseules ressources propres et, sous pr texte de respect , de le priver d apportsd cisifs pour son d reste que, pour enseigner en s inscrivant dans cette thique, plusieursmod les professionnels sont possibles. Chacun d eux s est d velopp dans descontextes particuliers, avec des r f rences identitaires et des savoir-fairesp mod le du clerc reste, dans les esprits, associ l id e de l enseignement traditionnel . M me si l on verra plus loin que les autresmod les disposent aussi d une solide tradition, ils n en ont pas, n anmoins, lem me Le clerc conna t la v rit , il a t introduit dans la sph re deceux qui sont officiellement reconnus comme entretenant un commerceUNESCO : horizon 2020 Philippe Meirieu5privil gi avec elle.


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