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élevage bovin et développement durable - inra.fr

Courrier de l'environnement de l'INRA n 29, d cembre 1996 levage bovinet d veloppement durablepar Etienne LandaisINRA-SAD, route de Saint-Cyr, 78026 Versailles cedexIntroductionS'il est un enseignement que nous ont dispens les derni res d cennies, c'est que l' volution des agri-cultures europ ennes r pond de moins en moins des dynamiques endog nes. Le cadre r glementaireet conomique est d sormais le facteur majeur, dans la mesure o les d terminants sociaux se sontprogressivement effac s avec la f i n des paysans , o l' tat des techniques ne constitue plus le prin-cipal facteur limitant et o , dans une conomie de l'abondance, le pilotage de la production parl'aval traduit l'influence croissante des transformateurs, des distributeurs et des consommateurs1 (*).On pourrait donc penser que les consid rations techniques des zootechniciens et des agronomes four-ragers ne sont pas d'un grand secours pour appuyer une r flexion sur l'avenir de l' levage bovin dansnotre pays.

Courrier de l'environnement de l'INRA n°29, décembre 1996 de processus deviendra ainsi, par défaut, un mode ordinaire d'élaboration et d'expression d'une opi-

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1 Courrier de l'environnement de l'INRA n 29, d cembre 1996 levage bovinet d veloppement durablepar Etienne LandaisINRA-SAD, route de Saint-Cyr, 78026 Versailles cedexIntroductionS'il est un enseignement que nous ont dispens les derni res d cennies, c'est que l' volution des agri-cultures europ ennes r pond de moins en moins des dynamiques endog nes. Le cadre r glementaireet conomique est d sormais le facteur majeur, dans la mesure o les d terminants sociaux se sontprogressivement effac s avec la f i n des paysans , o l' tat des techniques ne constitue plus le prin-cipal facteur limitant et o , dans une conomie de l'abondance, le pilotage de la production parl'aval traduit l'influence croissante des transformateurs, des distributeurs et des consommateurs1 (*).On pourrait donc penser que les consid rations techniques des zootechniciens et des agronomes four-ragers ne sont pas d'un grand secours pour appuyer une r flexion sur l'avenir de l' levage bovin dansnotre pays.

2 Cependant, seize ans apr s le boycott de la viande de veau, la crise de la vache folle vientrappeler que les comportements des consommateurs ne sont pas sans relation avec les techniquesd' levage. Cette crise majeure m'int resse ici doubletitre : d'abord, parce qu'elle est en relationdirecte avec le processus continu d'artificialisation et d'intensification qui caract rise l' volutiontechnico- conomique de l' levage bovin laitier depuis une trentaine d'ann es 2, ensuite parce qu'elleaffecte principalement les syst mes d' levage bovin allaitant, qui d pendent troitement des cours dela viande et des march s ext rieurs. Or ce secteur est la fois beaucoup plus extensif et beaucoupmoins expos la maladie que l' levage laitier, par qui le scandale est arriv .Ce paradoxe souligne les limites d'un raisonnement conduit par fili res , qui limite le champ del'analyse, au point que l'on s'interroge beaucoup sur les moyens de faire face aux cons quences en-tra n es par la crise sur le march de la viande, mais bien peu sur les moyens de s'attaquer l'originedu mal, qui plonge ses racines notamment dans le mod le technique de d veloppement de l' propos est centr sur les voies d'avenir de l' levage bovin en France.

3 La question centrale que jeme pose est celle de la durabilit des mod les de d veloppement. J'ai choisi pour la traiter de consid -rer que des crises telles que celle de la vache folle constituent pr cis ment des sympt mes de non-durabilit , ce qui est aussi une mani re de dire que d'autres sympt mes, donc d'autres crises, mesemblent pr pr cis ment, je me place dans l'hypoth se o , faute d' tre r gl s par d'autres moyens, les pro-bl mes majeurs li s au d veloppement technologique donneront l'avenir de plus en plus syst mati-quement naissance, dans les soci t s industrielles, de semblables crises de grande ampleur. Ce type(*)Les notes sont report es en fin d'article, p. article a fait l'objet d'une communication partielle la Commission des recherches bovines de l'INRA (Theix, 13-14 novembre 1996)59 Courrier de l'environnement de l'INRA n 29, d cembre 1996de processus deviendra ainsi, par d faut, un mode ordinaire d' laboration et d'expression d'une opi-nion publique n gative, traduite par des comportements collectifs dont les cons quences brutaless'amplifieront jusqu' la disparition des probl mes qui leur auront donn naissance.

4 La crise appara tdans cette vision comme la manifestation normale du positionnement de la soci t face un probl med'origine technologique dont la m diatisation la conduit se saisir sans pr paration 'hypoth se que je forme - et que je crois productive - c'est donc que la crise de la vache folle repr -sente une manifestation de grande ampleur de la non-durabilit du mod le de d veloppement actuelde l' levage bovin et plus sp cialement de l' levage laitier intensif. Je d velopperai cette id e en reve-nant d'abord sur cette crise, pour dire en quoi elle m'interpelle, en tant que chercheur zootechnicien, etquelles le ons j'en tire. Je tenterai d'appliquer ensuite ce cadre d'analyse la probl matique de l' vo-lution de l' levage Les zootechniciens face la crise de la vache folle Ils sont devenus fous , Les chercheurs inventent la vache Carnivore , La science contre lanature , etc.

5 Il est clair que la temp te qui s'est d cha n e dans les m dias et dans l'opinion suite lar v lation de la relation de plus en plus probable entre l'Enc phalite spongiforme bovine (ESB) etcertaines formes de la Maladie de Creutzfeldt-Jacob (MCJ), a t aggrav e par le traumatisme qui afait suite la r v lation du fait que nos vaches mangeaient couramment de la farine de viande, voire,comme l'ont crit divers journaux, de la farine de cadavre . Ces deux l ments concourent vi-demment accro tre la d fiance du consommateur vis- -vis de la viande bovine. Et l'opprobre que lespolitiques et professionnels fran ais unanimes ont tent - non sans raison - de rejeter sur les respon-sables britanniques n' pargne en r alit ni les industriels de l'alimentation animale ni les leveurs, galement accus s d' tre pr ts tout pour gagner de l'argent, ni les scientifiques suspects d' tre l'origine de ces pratiques d'alimentation jug es peut tre aujourd'hui une attitude responsable face la question de l'utilisation des farinesanimales ?

6 Les avis sont partag s. Personnellement, je suis de ceux qui pensent que cette utilisationm rite d' tre d finitivement proscrite, d'abord en vertu du principe de pr caution (en raison de l'in-certitude qui demeure sur les risques sanitaires dont elle est porteuse), ensuite en raison du rejetqu'elle suscite dans notre soci t , et de ses cons quences n gatives sur l'image de l' levage et sur laconsommation de viande. Mais cette prise de position elle-m me me pose question : comment se fait-il que je ne me sois jamais inqui t auparavant de ces pratiques d'alimentation animale, dont commetout zootechnicien j'avais parfaitement connaissance depuis de nombreuses ann es ? Comment diableest-il possible que cette technique, que nous chercheurs consid rions tous, hier encore, comme parfai-tement rationnelle, choque tant nos contemporains qu'elle a d tre interdite ?

7 Serions-nous ce pointimperm ables aux repr sentations sociales que nous serions incapables de comprendre les composan-tes de l'acceptation sociale des techniques ? Bien s r que non. Beaucoup d'entre nous comprennent etpartagent d'ailleurs les pr ventions qui se sont exprim es. Mais ce qu'il faut bien constater, c'est quenous ne les avons pas anticip es. Comment cela se fait-il ?La difficult provient videmment du fait que les crit res de l'acceptation sociale des techniques nesont pas grav s dans le pratique hier accept e est qualifi e aujourd'hui de pratiquecontre nature et sera rejet e demain. C'est la r f rence qui change, notamment parce que la demandesociale de nature ne cesse de se renforcer et de se transformer. L'id e de r cup rer la vianded' quarrissage pour alimenter les animaux d' levage tait typiquement une id e du X I Xe si cle : mo-derne, rationnelle, positive.

8 Faut-il donc vraiment s' tonner du fait qu'apr s tant d'autres, elle soit60 Courrier de l'environnement de l'INRA n 29, d cembre1996aujourd'hui rejet e par nos soci t s post-modernes ? Non, l' tonnement viendrait plut t du d calageque ce d bat r v le entre les valeurs qui dominent dans la soci t et celles du monde scientifique, quireste tr s impr gn de convictions mat rialistes et positivistes aujourd'hui d pass es. Cet arri re-planphilosophique nous interdit, dans notre pratique professionnelle, de poser les probl mes en d passantles bornes de notre strict domaine de comp tence et bien entendu de les mettre en regard de nos opi-nions de citoyens et de consommateurs. Bien des chercheurs, s'interdisant ainsi, pour de mauvaisesraisons, d'exprimer leurs opinions au motif qu'elles ne sont pas scientifiquementfond es, se censurentet contribuent, dans une pratique schizophr nique, d finir et d velopper professionnellement desprobl matiques qui s'inscrivent dans des dynamiques qu'ils d sapprouvent personnellement.

9 Cecinous emp che mon avis d'int grer la sensibilit sociale dans nos raisonnements de chercheurs, cequi est d'autant plus grave que nous n'avons pas de dispositif de recherche sociologiquepour remplircette me pose galement la question suivante : l' volution de nos recherches en alimentation puis ennutrition animales, en resserrant notre horizon, ne limite-t-elle pas notre facult d'appr ciation ? Del' tude du rationnement de l'animal entier celle de la nutrition des organes et des tissus qui lecomposent, ce glissement vers une approche toujours plus fine et plus analytique de la nutrition n'a-t-il pas conduit une conception dangereusement r ductrice de ce qu'est la qualit d'un aliment, rame-n e une batterie de caract ristiques physico-chimiques objectiv es par quelques crit res analyti-ques ?

10 N'a-t-il pas fait progressivement dispara tre l'aliment derri re les nutriments, au point de nousfaire assimiler de la viande de cadavre des prot ines d'excellente qualit nutritionnelle ?La difficult porte sur notre capacit collective appr cier globalement les techniques, dans leurseffets mais aussi dans leur pertinence et leur opportunit . De ce point de vue, l'isolement et la sp cia-lisation croissante des recherches par discipline, qui ont progressivement transform la plupart deszootechniciens en physiologistes de la nutrition, de la reproduction ou de la croissance, tenu les nutri-tionnistes loign s des pathologistes, s par les conomistes et les sociologues des chercheurs tech-niciens, ne peuvent-ils tre mis en cause ? Consid rant que ces tendances ultra-dominantes m rite-raient d' tre plus efficacement contrebalanc es au sein de l'INRA par des recherches pluridisciplinai-res et int gratives, je n'ai pour ma part aucune h sitation r pondre par l'affirmative cette derni requestion.


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