Example: stock market

Le jeu du «Fort-Da» ou l’incidence du symbolique …

DOMINIQUE DELPLANCHE. Le jeu du Fort-Da ou l'incidence du symbolique sur le sujet. Nous partirons de la description que Freud nous donne de ce jeu dans son article Au-del du principe de plaisir (t) Nous lirons ce passage de Freud avec Lacan, pour voquer ensuite quelques traits obser- v s chez des enfants plac s en institution.* Les quatre fort-da de Freud. Le fort-da est le jeu que Freud observe chez son petit-fils Ernst. La description qu'il nous en livre comporte quatre observations. La pre- mi re, la plus connue, est le jeu de la bobine li e un fil. Ernst, nous dit Freud, s'amuse lancer des objets loin de lui. A un moment donn , il trouve une bobine li e un fil, ce qui lui donne la possibilit de lancer la bobine et de la ramener vers lui pour la relancer. Freud s' tonne de voir l'enfant prouver plus de plaisir lancer des objets hors de sa vue plut t qu' les voir r appara tre. Au cours de ce jeu deux cris, deux phon mes accompagnent les deux mouvements de la bobine o-o-o et da.

Le jeu du «Fort-Da» ou l’incidence du symbolique sur le sujet. 3 répétition est découverte par Freud, dès ses premiers écrits, bien avant

Information

Domain:

Source:

Link to this page:

Please notify us if you found a problem with this document:

Other abuse

Transcription of Le jeu du «Fort-Da» ou l’incidence du symbolique …

1 DOMINIQUE DELPLANCHE. Le jeu du Fort-Da ou l'incidence du symbolique sur le sujet. Nous partirons de la description que Freud nous donne de ce jeu dans son article Au-del du principe de plaisir (t) Nous lirons ce passage de Freud avec Lacan, pour voquer ensuite quelques traits obser- v s chez des enfants plac s en institution.* Les quatre fort-da de Freud. Le fort-da est le jeu que Freud observe chez son petit-fils Ernst. La description qu'il nous en livre comporte quatre observations. La pre- mi re, la plus connue, est le jeu de la bobine li e un fil. Ernst, nous dit Freud, s'amuse lancer des objets loin de lui. A un moment donn , il trouve une bobine li e un fil, ce qui lui donne la possibilit de lancer la bobine et de la ramener vers lui pour la relancer. Freud s' tonne de voir l'enfant prouver plus de plaisir lancer des objets hors de sa vue plut t qu' les voir r appara tre. Au cours de ce jeu deux cris, deux phon mes accompagnent les deux mouvements de la bobine o-o-o et da.

2 Freud, selon les informations que la m re lui donne, traduira ces cris par fort . qui signifie parti et da , l . Une note en bas de page nous livre une deuxi me observation : le fort-da devant le miroir. Pendant l'absence de sa m re Ernst joue faire appara tre et dispara tre son image dans un miroir. Il met les m mes syllabes o-o-o et da . Au retour de sa m re il met un long b b o- o-o . Un an plus tard, Ernst joue toujours ce m me jeu. Il lance des objets loin de lui en criant : Va-t-en papa, va-t-en la guerre ! A cette poque son p re est effectivement parti la guerre. 2 DOMINIQUE DELPLANCHE. Enfin nous trouvons encore une deuxi me note qui t moigne de l' tonnement de Freud face l' nigme de ce jeu. A cinq ans et neuf mois, Ernst perd d finitivement sa m re. Freud remarque que cette perte ne lui cause aucun chagrin. Ce qui interroge Freud, c'est non seulement l'amusement de son petit-fils lors de la disparition de sa m re, mais qu'il trouve de surcro t du plaisir r p ter cette absence l'aide d'objets qu'il fait appara tre et dispara tre.

3 Ernst se d brouille tr s bien sans sa m re, comment fait-il? Pourquoi Freud introduit-il ce jeu du fort-da? Dans cet article, il remet en question son laboration sur le principe de plaisir selon laquelle l'appareil psychique serait domin par cette tendance. Il d couvre des ph nom nes cliniques qui contredisent ce principe. Le fortda figure parmi les exemples num r s par Freud, d'exp riences de d plaisir, r p t es par le sujet. Ainsi, dans les n vroses de guerre, le sujet r p te en r ve le trauma de guerre. Dans la cure, l'analysant r p te des exp riences refoul es et qui ne sont nullement de l'ordre du plaisir. Il ajoute cette s rie le destin comme r p tition chez des personnes non n vros es, telle l'histoire de cette dame qui se retrouve veuve apr s chacun de ses mariages. (2). Freud tente n anmoins une derni re fois de situer le r ve, par rapport la n vrose de guerre, et le jeu du fort-da dans son principe de plaisir.

4 Les n vroses de guerre rel vent de la rencontre de l'effroi, ce sont des n vroses d'effroi (3). Il consid re que le r ve transforme l'effroi prouv devant cette situation dramatique non attendue, en angoisse. L'an- goisse t moigne alors d'une transformation de l'effroi en attente - r p t e - du danger. Le psychique se pr pare ainsi ce genre de drame et ne se laisse pas envahir par le trauma. Pour le fort-da il trouve d'autres b n fices (pulsion de ma trise et pulsion de vengeance) qui sont satisfaits par le jeu, ce qui procure du plaisir l'enfant. Mais il reste quelque chose de tout fait d plaisant, voire de traumatique qui est r p t . Suite la r p tition observ e dans le transfert et dans le destin des hommes, Freud conclut cependant l'hypoth se d'une compulsion de r p tition au-del du principe de plaisir, qui lui appara t . comme plus originaire, plus l mentaire, plus pulsionnelle que le principe de plaisir qu'elle met l' cart.

5 (4) Cette compulsion r p ter n'est en soi pas la grande d couverte de Freud dans son article Au-del du principe de plaisir . Il avait d j mentionn cette r p tition en 1914 dans son article Rem moration, r p tition et perlaboration , o il labore la r p tition dans le transfert (5). Lacan pr cise que cette compulsion de Les Feuillets du Courtil, 2000. Le jeu du Fort-Da ou l'incidence du symbolique sur le sujet. 3. r p tition est d couverte par Freud, d s ses premiers crits, bien avant l'usage du terme, quand il construit sa th orie de l'objet perdu qu'on ne peut tenter de retrouver que r p titivement (6). Ce qui fait de cet article un point pivot dans l'oeuvre de Freud, c'est d'aller au-del dans la voie que lui offre cet automatisme de r p tition. Il constate cette r p tition mais quelle fonction correspond-elle? Dans les chapitres IV, V et VI, Freud met sa th orie de la libido en question, pour aboutir au concept de pulsion de mort.

6 Il y ajoute une pulsion de vie. Nous voici au fameux mythe d'Eros et Thanatos. L'automatisme de r p tition cadre tout fait l'int rieur de la pulsion de mort. Il ne s'agit donc pas de ph nom nes cliniques ponctuels, mais de quelque chose de tout fait fondamental pour l' tre humain, quelque chose qui le d passe, le trans- cende et auquel il est soumis. C'est ici, comme le dit Lacan, que nous d bouchons sur l'ordre symbolique , (..) il tend au-del du principe de plaisir, hors des limites de la vie et c'est pourquoi Freud l'identifie l'instinct de mort. Et l'instinct de mort n'est que le masque de l'ordre symbolique en tant - Freud l' crit - qu'il est muet (..) (7). Voyons comment situer cet automatisme de r p tition dans le fort- da. Pour Freud c'est la r p tition du d part de la m re. La bobine repr - sente la m re et dans le jeu, l'enfant r p te le va et vient de celle-ci. Va et vient qui est traumatique pour l'enfant.

7 Il y a pourtant une autre r p - tition, plus audible, celle de l'opposition signifiante o-o-o et da . Freud ne la n glige pas puisque ce sont ces signifiants qu'il reprend pour d nommer le jeu de son petit-fils. Nous y reviendrons. Comment Freud interpr te-t-il le fort-da de son petit-fils ? Que signifie ce jeu incessant engendr par le va et vient de la m re? En quoi est-il traumatique ? Qu'est- ce qui fait que le d part de la m re est surmont et que l'enfant a du plaisir le r p ter, dans le jeu ? Le jeu offre une compensation, un d dommagement, dit Freud, aux besoins primaires que l'enfant doit abandonner quand sa m re est absente. Cette compensation est la satisfaction d'une pulsion de ma trise et d'une pulsion de vengeance. Freud rejette clairement une pulsion d'imitation des adultes, pour en faire une identification, non une imitation. 4 DOMINIQUE DELPLANCHE. Quel profit Ernst trouve-t-il jouer ce jeu?

8 Comme dans tout jeu, il lui est possible par identification imaginaire un autre, de prendre d'autres positions qui ne lui sont pas accessibles dans la r alit . Donc par identification l'autre, c'est- -dire ici en l'occurrence la m re, il peut prendre dans le jeu la position active de la m re. C'est alors que l o dans la r alit il subit quelque chose, dans le jeu il va le faire subir un autre;. il se venge. Et par cette position active il tente de ma triser ce qu'il a subi lui-m me. Remarquons tout de suite que ces pulsions ne seront jamais satisfaites, le sujet ne sera jamais ma tre, jamais veng une fois pour toutes puisque le jeu se r p te faute d'arriver sa fin. En consid rant ainsi le jeu comme le d doublement de la r alit avec un renversement de passif en actif, on peut tablir le sch ma suivant qui lucide certains points opaques dans le texte de Freud et qui nous permettra d'en introduire plus facilement la lecture lacanienne.

9 ACTIF PASSIF. r alit : la m re va et vient Ernst subit "quelques chose". Jeu : Ernst va et vient bobine (=m re) et image sp culaire subissent un va et vient Nous pouvons d duire deux choses de ce petit sch ma. La premi re est que la bobine, la m re, l'image sp culaire et Ernst s' quiva- lent, s'interchangent, tant pris ici par Freud dans une relation imaginaire duelle. La bobine c'est ce qui repr sente le petit autre, le semblable, elle est interchangeable avec n'importe quel objet dans ce jeu et symbolise tout ce qui va et vient. Avec Lacan, l'objet. Pour Lacan la bobine est lev e une autre dimension. La bobine fait passage entre le ph nom ne du va et vient tel quel et les signifiants . fort et da . En ceci on pourrait dire la bobine objet transitionnel . (8). Mais pas dans le sens winnicottien. Ce n'est pas l'objet qui fait pont entre la m re et l'enfant, comblant le vide de la m re absente.

10 Ce n'est pas l'objet toujours pr sent l o la m re d faille. Pour Lacan c'est l'objet qui choit. La b ance introduite par l'absence dessin e, et toujours ouverte, reste cause d'un trac centrifuge o ce qui choit, ce n'est pas l'autre en tant que figure o se projette le sujet, mais cette bobine li e lui-m me par un fil qu'il retient - o s'exprime ce qui, de lui, se d tache dans cette preuve, Les Feuillets du Courtil, 2000. Le jeu du Fort-Da ou l'incidence du symbolique sur le sujet. 5. l'automutilation partir de quoi l'ordre de la signifiance va se mettre en perspective. (9). En second lieu, on peut d duire ce que Ernst subit de traumatique: un va et vient, une apparition-disparition en miroir avec sa m re. S'il fait subir un va et vient la bobine, ou son image, et si l'on suit le raison- nement de Freud la lettre, c'est que dans la r alit c'est lui qui le subit. L'absence de sa m re le renvoie directement sa propre absence, son propre n' tre pas l.


Related search queries