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LA COLONIE, COMÉDIE

LA COLONIE. COM DIE. MARIVAUX, Pierre de (1688-1763). 1750. -1- Texte tabli par Paul FIEVRE partir de la revue du Mercure de France de d cembre 1750. Publi par Ernest et Paul Fi vre pour Th , Ao t 2019. Pour une utilisation personnelle ou p dagogique uniquement. -2- LA COLONIE. COM DIE. Publi dans le Mercure de France en d cembre 1750, pp 29-87. -3- La Com die suivante a t jou e dans une Soci t , et n'a pas t . imprim e ; on y reconna tra ais ment la mani re fine et ing nieuse de M. de Marivaux. -4- ACTEURS. ARTH NICE, femme noble. MADAME SORBIN, femme d'artisan. MONSIEUR SORBIN, mari de Madame Sorbin. TIMAG NE, homme noble. LINA, fille de Madame Sorbin. PERSINET, jeune homme du peuple, amant de Lina. HERMOCRATE, autre noble. TROUPE DE FEMMES, tant nobles que du peuple.

LA COLONIE SCÈNE PREMIÈRE. Arthénice, Madame Sorbin. ARTHÉNICE. Ah çà, Madame Sorbin, ou plutôt ma compagne, car vous l'êtes, puisque les …

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1 LA COLONIE. COM DIE. MARIVAUX, Pierre de (1688-1763). 1750. -1- Texte tabli par Paul FIEVRE partir de la revue du Mercure de France de d cembre 1750. Publi par Ernest et Paul Fi vre pour Th , Ao t 2019. Pour une utilisation personnelle ou p dagogique uniquement. -2- LA COLONIE. COM DIE. Publi dans le Mercure de France en d cembre 1750, pp 29-87. -3- La Com die suivante a t jou e dans une Soci t , et n'a pas t . imprim e ; on y reconna tra ais ment la mani re fine et ing nieuse de M. de Marivaux. -4- ACTEURS. ARTH NICE, femme noble. MADAME SORBIN, femme d'artisan. MONSIEUR SORBIN, mari de Madame Sorbin. TIMAG NE, homme noble. LINA, fille de Madame Sorbin. PERSINET, jeune homme du peuple, amant de Lina. HERMOCRATE, autre noble. TROUPE DE FEMMES, tant nobles que du peuple.

2 La sc ne est dans une le o sont abord s tous les acteurs. -5- LA COLONIE. SC NE PREMI RE. Arth nice, Madame Sorbin. ARTH NICE. Ah , Madame Sorbin, ou plut t ma compagne, car vous l' tes, puisque les femmes de votre tat viennent de vous rev tir du m me pouvoir dont les femmes nobles m'ont rev tue moi-m me ; donnons-nous la main, unissons-nous et n'ayons qu'un m me esprit toutes les deux. MADAME SORBIN, lui donnant la main. Conclusion, il n'y a plus qu'une femme et qu'une pens e ici. ARTH NICE. Nous voici charg es du plus grand int r t que notre sexe ait jamais eu, et cela dans la conjoncture du monde la plus favorable pour discuter notre droit vis- -vis les hommes. MADAME SORBIN. Oh, pour cette fois-ci, Messieurs, nous compterons ensemble. ARTH NICE. Depuis qu'il a fallu nous sauver avec eux dans cette le o.

3 Nous sommes fix es, le Gouvernement de notre patrie a cess . MADAME SORBIN. Oui, il en faut un tout neuf ici, et l'heure est venue, nous voici en place d'avoir justice, et de sortir de l'humilit . ridicule qu'on nous a impos e depuis le commencement du monde : plut t mourir que d'endurer plus longtemps nos affronts. -6- ARTH NICE. Fort bien, vous sentez-vous en effet un courage qui r ponde la dignit de votre emploi ? MADAME SORBIN. F tu : petit brin de paille. (..) On dit d'une chosede peu de valeur pour la Tenez, je me soucie aujourd'hui de la vie comme d'un m priser, qu'elle ne vaut pas un f tu. f tu ; en un mot comme en cent, je me sacrifie, je [F] l'entreprends. Madame Sorbin veut vivre dans l'Histoire et non pas dans le Monde. ARTH NICE. Je vous garantis un nom immortel.

4 MADAME SORBIN. Nous, dans vingt mille ans, nous serons encore la nouvelle du jour. ARTH NICE. Et quand m me nous ne r ussirions pas, nos petites-filles r ussiront. MADAME SORBIN. Je vous dis que les hommes n'en reviendront jamais. Au surplus, vous qui m'exhortez, il y a ici un certain Monsieur Timag ne qui court apr s votre coeur ; court-il encore ? Ne l'a-t-il pas pris ? Ce serait l un furieux sujet de faiblesse humaine, prenez-y garde. ARTH NICE. Qu'est-ce que c'est que Timag ne, Madame Sorbin, je ne le connais plus depuis notre projet, tenez ferme et ne songez qu' m'imiter. MADAME SORBIN. Qui ? Moi ! Et o est l'embarras ? Je n'ai qu'un mari, qu'est-ce que cela co te laisser, ce n'est pas l une affaire de coeur. ARTH NICE. Oh, j'en conviens. MADAME SORBIN. Ah , vous savez bien que les hommes vont dans un moment s'assembler sous des tentes, afin d'y choisir entre eux deux hommes qui nous feront des lois ; on a battu le tambour pour convoquer l'assembl e.

5 -7- ARTH NICE. Eh bien ? MADAME SORBIN. Eh bien ? Il n'y a qu' faire battre le tambour aussi pour enjoindre nos femmes d'avoir m priser les r glements de ces Messieurs, et dresser tout de suite une belle et bonne ordonnance de s paration d'avec les hommes qui ne se doutent encore de rien. ARTH NICE. C' tait mon id e, sinon qu'au lieu du tambour, je voulais faire afficher notre ordonnance son de trompe. MADAME SORBIN. Oui-da, la trompe est excellente et fort convenable. ARTH NICE. Voici Timag ne et votre mari qui passent sans nous voir. MADAME SORBIN. C'est qu'apparemment ils vont se rendre au Conseil ;. souhaitez-vous que nous les appelions ? ARTH NICE. Soit, nous les interrogerons sur ce qui se passe. Elle appelle Timag ne. MADAME SORBIN, appelle aussi. Hol , notre homme.

6 -8- SC NE II. Les acteurs pr c dents, Monsieur Sorbin, Timag ne. TIMAG NE. Ah ! Pardon, belle Arth nice, je ne vous croyais pas si pr s. MONSIEUR SORBIN. Qu'est-ce que c'est que tu veux, ma femme, nous avons h te. MADAME SORBIN. Eh l l , tout bellement, je veux vous voir, Monsieur Sorbin, bonjour ; n'avez-vous rien me communiquer, par hasard ou autrement ? MONSIEUR SORBIN. Non, que veux-tu que je te communique, si ce n'est le temps qu'il fait, ou l'heure qu'il est ? ARTH NICE. Et vous, Timag ne, que m'apprendrez-vous ? Parle-t-on des femmes parmi vous ? TIMAG NE. Non, Madame, je ne sais rien qui les concerne, on n'en dit pas un mot. ARTH NICE. Pas un mot, c'est fort bien fait. MADAME SORBIN. Patience, l'Affiche vous r veillera. MONSIEUR SORBIN. Que veux-tu dire avec ton Affiche ?

7 MADAME SORBIN. Oh rien, c'est que je me parle. ARTH NICE. Eh ! Dites-moi, Timag ne, o allez-vous tous deux d'un air si pensif ? -9- TIMAG NE. Au Conseil o l'on nous appelle, et o la noblesse et tous les notables d'une part, et le peuple de l'autre, nous menacent cet honn te homme et moi, de nous nommer pour travailler aux lois, et j'avoue que mon incapacit me fait d j trembler. MADAME SORBIN. Quoi, mon mari, vous allez faire des lois ? MONSIEUR SORBIN. H las, c'est ce qui se publie, et ce qui me donne un grand souci. MADAME SORBIN. Pourquoi, Monsieur Sorbin ? Quoique vous soyez massif et d'un naturel un peu lourd, je vous ai toujours connu un tr s bon gros jugement qui viendra fort bien dans cette affaire-ci ; et puis je me persuade que ces Messieurs auront le bon esprit de demander des femmes pour les assister, comme de raison.

8 MONSIEUR SORBIN. Ah ! Tais-toi avec tes femmes, il est bien question de rire ! MADAME SORBIN. Mais vraiment, je ne ris pas. MONSIEUR SORBIN. Tu deviens donc folle. MADAME SORBIN. Pardi, Monsieur Sorbin, vous tes un petit lu du peuple bien impoli ; mais par bonheur, cela se passera avec une Ordonnance, je dresserai des lois aussi, moi. MONSIEUR SORBIN, il rit. Toi ! H h h h . TIMAG NE, riant. H h h h .. ARTH NICE. Qu'y a-t-il donc l de si plaisant ? Elle a raison, elle en fera, j'en ferai moi-m me. - 10 - TIMAG NE. Vous, Madame ? MONSIEUR SORBIN, riant. Des lois ! ARTH NICE. Assur ment. MONSIEUR SORBIN, riant. Ah bien tant mieux, faites, amusez-vous, jouez une farce ; mais gardez-nous votre dr lerie pour une autre fois, cela est trop bouffon pour le temps qui court.

9 TIMAG NE. Pourquoi ? La gaiet est toujours de saison. ARTH NICE. La gaiet , Timag ne ? MADAME SORBIN. Notre dr lerie, Monsieur Sorbin ? Courage, on vous en donnera de la dr lerie. MONSIEUR SORBIN. Laissons-l ces rieuses, Seigneur Timag ne, et allons-nous-en ; adieu, femme, grand merci de ton assistance. ARTH NICE. Attendez, j'aurais une ou deux r flexions communiquer Monsieur l' lu de la Noblesse. TIMAG NE. Parlez, Madame. ARTH NICE. Un peu d'attention ; nous avons t oblig s, grands et petits, nobles, bourgeois et gens du peuple, de quitter notre patrie pour viter la mort ou pour fuir l'esclavage de l'ennemi qui nous a vaincus. MONSIEUR SORBIN. Cela m'a l'air d'une harangue, remettons-la tant t, le loisir nous manque. - 11 - MADAME SORBIN. Paix, malhonn te. TIMAG NE.

10 Coutons. ARTH NICE. Nos vaisseaux nous ont port s dans ce pays sauvage, et le pays est bon. MONSIEUR SORBIN. Nos femmes y babillent trop. Babiller : Parler sans cesse, et ne dire que des choses de peu de consid ration. (..) [F]. MADAME SORBIN, en col re. Encore. ARTH NICE. Le dessein est form d'y rester, et comme nous y sommes tous arriv s p le-m le, que la fortune y est gale entre tous, que personne n'a droit d'y commander, et que tout y est en confusion, il faut des ma tres, il en faut un ou plusieurs, il faut des lois. TIMAG NE. H , c'est quoi nous allons pourvoir, Madame. MONSIEUR SORBIN. Il va y avoir de tout cela en diligence, on nous attend pour cet effet. ARTH NICE. Qui, nous ? Qui entendez-vous par nous ? MONSIEUR SORBIN. Eh pardi, nous entendons, nous, ce ne peut pas tre d'autres.