LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES EN …

1 UNIVERSIT PARIS DESCARTES Laboratoire d Ethique M dicale et M decine L gale Directeur : Professeur Christian HERV MASTER 2 SANTE ANN E UNIVERSITAIRE 2009-2010 LA PRISE EN CHARGE DES PERSONNES EN SOUFFRANCE AU TRAVAIL Stage effectu la consultation Souffrance et Travail du CASH de Nanterre sous la direction de Marie PEZE. Pr sent et soutenu par M lanie GENEST Le Directeur du m moire : Madame Marie PEZE De sinc res A Marie Pez , ma directrice de stage et de m moire, pour son accueil au sein de sa consultation, son tayage, sa bienveillance et sa disponibilit . Au Docteur Johnny Adeline, m decin de la douleur, pour m avoir accueillie lors de ses consultations et ainsi fait d couvrir le formidable travail qu il effectue avec ses patients. A Daniela Schwendener, m diatrice, pour le temps qu elle m a g n reusement accord . Et bien s r tous les patients rencontr s, sans lesquels ce m moire n aurait pu exister.

2 1 Sommaire 1. 2. Revue de litt La psychopathologie du Historique des approches en psychopathologie du Les pathologies de Surcharge du fonctionnement Surcharge du fonctionnement Surcharge du fonctionnement Les nouvelles formes d organisation du Les choix thiques des Cadre l La notion de harc L obligation de s curit de r sultat de l employeur et la faute La question du 3. Cas clinique : Mme El ments d anamn Parcours Chronologie de la d gradation de la situation de Identification du tableau sp cifique de n vrose 4. Discussion : les diff rents acteurs de soins et de PRISE en Les acteurs au sein de l Les acteurs en dehors de l Les acteurs m Autres acteurs susceptibles d Une alternative : la m 2 1. Introduction En cette ann e de Master 2 PRISE en CHARGE des victimes et des auteurs d agression , j ai eu la chance d effectuer mon stage la Consultation Souffrance et Travail du Centre d accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, sous la direction de Marie PEZE, psychologue clinicienne l origine de la cr ation de la consultation en 1997.

3 Cette consultation a lieu deux jours par semaine la policlinique et re oit des salari s pr sentant des pathologies li es au travail. Ceux-ci peuvent y tre adress s, sur demande crite, par leur m decin du travail en vue d un examen compl mentaire, ou encore par leur m decin g n raliste ou un m decin inspecteur du travail, et de nombreux patients y sont bien entendu re us dans le cadre d une PRISE en CHARGE psychoth rapique. Durant ces six mois de stage (de novembre 2009 avril 2010, une journ e par semaine), j ai pu participer aux entretiens de Marie PEZE, aux consultations du m decin de la douleur la policlinique ainsi qu aux entretiens r alis s par la m diatrice tenant une permanence Souffrance et Travail au Centre Municipal de Sant de Gennevilliers. La d tresse des PERSONNES rencontr es au cours des entretiens m a rapidement fait prendre conscience de l ampleur des r percussions sur la sant , physique et psychique, des situations de souffrance au travail.

4 Celles-ci touchent tous les secteurs d activit , toutes les professions, tous les niveaux hi rarchiques, les hommes, les femmes, les jeunes, les plus exp riment s, et sont malheureusement de plus en plus nombreuses. Les quelques chiffres repris dans le rapport final de la Commission de r flexion sur la souffrance au travail de 2009 ou ceux fournis par le minist re du travail en 2007 parlent d eux-m mes : 53% des salari s prouvent du stress au travail1. Deux millions de salari s subissent du harc lement moral et des maltraitances, 500000 sont victimes de harc lement sexuel2. Sur 5 ans, on a constat plus de 1000 tentatives de suicide sur les lieux de travail en France dont 47% ont t suivies de d c s3. 24% des hommes et 37% des femmes souffrent de troubles psychologiques li s leur travail4. 1 Sondage Opinionway pour 20 minutes/ En ligne pour l emploi, octobre 2009.

5 2 Source : Minist re du travail. 3 Source : Minist re du travail. 4 Source : InVS (Institut de Veille Sanitaire) 3 13% des salari s disent travailler d une fa on qui heurte leur conscience professionnelle 5. 700 000 accidents du travail par an donnent lieu un arr t de travail6. En 2005, il y a eu 760 000 accidents du travail en France : deux PERSONNES par jour meurent dans des accidents du travail7. En 2007, les troubles musculo-squelettiques repr sentaient 7,4 millions de journ es de travail perdues, et leur nombre s accro t d environ 18% par an depuis dix ans8. 80% des maladies professionnelles ne seraient pas reconnues comme telles9. Ces donn es alarmantes mettent en vidence la n cessit d actions de pr vention sur les risques psycho-sociaux, de soins et de PRISE en CHARGE des PERSONNES en situation de souffrance au travail.

6 Concernant leur PRISE en CHARGE , j ai tr s vite pu constater lors de mon stage que celle-ci se devait d tre globale et pluridisciplinaire afin d tre la plus efficace possible. En effet, les pathologies de ces patients se situant l interface de la structure organisationnelle de chacun, de l organisation professionnelle et des choix thiques des entreprises, il est impossible d en n gliger tel ou tel aspect, ce qui implique une PRISE en CHARGE sp cifique. Et c est cette PRISE en CHARGE sp cifique des PERSONNES en souffrance au travail qui sera le sujet de mon m moire. La souffrance au travail a t d finie par l Agence nationale d am lioration des conditions de travail (ANACT) en 2005 comme une d pression r actionnelle professionnelle en lien avec les contraintes organisationnelles et sociales de l entreprise, souvent d clench en r action des comportements identifiables de coll gues ou de sup rieurs hi rarchiques ; la conviction que le niveau atteint de d gradation ne peut plus voluer positivement marque l entr e dans la souffrance.

7 Il s'agira donc ici de s'int resser la nature de cette souffrance, ses causes et origines afin de mieux la traiter, id alement la pr venir, et surtout intervenir de la fa on la plus appropri e possible aupr s des PERSONNES concern es pour les aider sortir de cet tat. L'intervention visant s'occuper de leur probl matique sera envisag e sous l'angle de la pluridisciplinarit . Par d finition, cette derni re consiste aborder un objet d' tude selon les diff rents points de vue de plusieurs disciplines, l'objectif tant d'utiliser leur compl mentarit pour la r solution d'un probl me. Le probl me dont il est question ici a pour point d ancrage le travail, cette condition essentielle du bonheur qui peut s av rer source de malheur dans bien des cas. 5 Source : InVS 6 Source : CNAMTS (Caisse Nationale de l Assurance Maladie des Travailleurs Salari s) 7 Source : Minist re du travail.

8 8 Source : CNAMTS 9 Rapport Eurogip sur les maladies professionnelles, 2008. 4 Etant donn les multiples disciplines intervenant dans le champ de la probl matique de ce m moire (psychologie, psychopathologie du travail, droit, thique, organisation du ), il appara t n cessaire d en voquer les l ments concern s et de mettre en vidence leur implication afin de cerner et comprendre les situations de souffrance au travail d une part, et permettre de d terminer une PRISE en CHARGE sp cifique des PERSONNES qui les vivent d autre part. Cette approche pluridisciplinaire sera ensuite illustr e par un cas rencontr au cours de mon stage. Enfin, la d marche de PRISE en CHARGE en r seau pluridisciplinaire sera concr tement expos e via la pr sentation des divers acteurs susceptibles d y participer. 5 2. Revue de litt rature Psychopathologie du travail Historique et volution des approches en psychopathologie du travail La psychopathologie du travail trouve ses racines dans la psychiatrie du travail, qui s est d velopp e d s l apr s-guerre jusqu aux ann es 1960.

9 Deux coles se sont distingu es durant cette p riode : l cole de Louis Le Guillant ainsi que celle de Paul Sivadon et Claude Veil. Dans la premi re, le travail est consid r comme pathog ne en soi et seule une faible place est accord e au rapport subjectif au travail. Par ailleurs, les avanc es de la psychopathologie du travail ne peuvent servir qu informer l action sociale et politique sur les conditions de travail, et non contribuer mener des actions de pr vention. Dans la seconde cole appara t la dimension de pr vention. Pour Paul Sivadon, qui fut le premier utiliser le terme de psychopathologie du travail , le travail ne devient pathog ne que si les exigences de la t che d passent les capacit s de l individu. Son approche reste centr e sur les caract ristiques individuelles du travailleur, aux d pens de l analyse du travail.

10 Ainsi, les d marches de pr vention qu il propose s appuient sur la notion d adaptation/d sadaptation de la personne aux caract ristiques de la situation professionnelle. Claude Veil, lui, donne une place la question de l organisation du travail. Il distingue l organisation du travail des conditions de travail et en d voile le r le pathog ne pour la sant mentale. Dans son approche, le travail est pens dans sa bivalence de souffrance et de cr ativit , et le rapport au travail est tout d abord pos comme rapport autrui (rapports de service, rapports de domination, rapports affectifs). A la fin des ann es 1960, quelques concepts psychanalytiques sont introduits en psychiatrie du travail par des m decins et psychiatres tels que A. Missenard, R. Gelly, J. Ochonisky, ou encore P. Moscowitz. Ainsi, titre d exemple, la question de l adaptation/d sadaptation de la personne est repens e sous l angle de la dynamique psychoaffective de l investissement professionnel partir des concepts de narcissisme, de relation d objet, de conflit intrapsychique et de sublimation.